Accueil > Critiques > 2013

John Grant - Pale Green Ghosts

samedi 16 mars 2013, par marc

Jeteur de ponts


Même si je n’avais jamais entendu parler des Czars (à tort d’après ce que j’ai pu comprendre), John Grant était apparu tout de suite familier avec son premier album solo. Notamment parce qu’il pouvait compter sur ses copains de Midlake pour l’épauler, ce qui nous a valu un bien beau Queen Of Denmark. Si le nom ne vous dit rien, ce n’est finalement pas plus mal, parce que le début de ce nouvel album se situe très loin de l’americana des grands espaces de son essai précédent.

Fort heureusement, Pale Green Ghosts (le morceau) est tout à fait en place. On n’en est pas moins déroutés par cet electro dense et sombre. Quant à la voix chargée d’écho, elle peut même rappeler les riches heures de Brendan Perry de Dead Can Dance.

On retombe dans le plus classique dès le troisième morceau. On reste sur le dancefloor mais on se choisit une partenaire. Ou alors on va au bar pour déguster cet amusant exercice d’auto-flagellation. John Grant fait partie de ces artistes que j’écoute parce que les paroles m’amusent. Cette musique au second degré passe toujours mieux quand la musique n’est ni mauvaise ni kitsch. Ceci dit, on n’est pas loin de franchir la ligne jaune avec I Hate This Town.

De plus, dans le cas qui nous occupe, on a affaire à un tout bon chanteur. Mais il déblatère toujours au kilomètre. Dans le genre, Blackbelt pourrait rappeler l’occasionnelle logorrhée de James Murphy, le sens de la danse paradoxale en moins. On le voit, ce n’est pas dans les immenses étendues américaines qu’on ira trouver l’origine de cet album plus complexe qu’il n’y parait. Parce que mine de rien, on retrouve plein de choses ici. Un solo de synthé dans le plus pur genre prog seventies (It Doesn’t Matter To Him) avec comme souvent des vrais morceaux de mélodie dedans. A l’inverse, il n’a même pas peur des grosses basses. Et il a bien raison, Sensitive New Age Guy a bien besoin de ce coup de kick.

Un parallèle pourrait être établi avec J. Tillman. Une même accointance avec un groupe qui touche au sublime mais dans un registre plutôt sérieux (Fleet Foxes et Midlake), le même décalage à l’humour acide, la même facilité à trousser un americana narquois. Et qui frise l’anecdotique aussi, puisque l’ennui pointe le bout de son nez sur Vietnam ou Ernest Borgnine.

On ne retiendra sans doute pas John Grant comme la personne qui aura jeté des ponts entre les genres, mais il faut bien constater qu’il peut donner plusieurs orientations à son style sans se perdre.

http://johngrantmusic.com/

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Cross Record – Crush Me

    Depuis eux albums, Cross Record est le projet solo d’Emily Cross. Chanteuse de Loma, elle agit aussi en tant que ‘Death Doula’, autrement dit en assistant des fins de vie. Elle a aussi quitté son Texas pour le Dorset et est devenue mère, ce qui ne doit pas être un mince ajustement. Donc quand on décèle que c’est une chanteuse habitée, tout ce substrat prend son sens, prend chair même. (…)

  • Youth Lagoon - Rarely Do I Dream

    Comme un Perfume Genius qui a émergé à la même époque, Trevor Powers est passé de petit génie de la bedroom pop intime à singer/songwriter aux possibilités pas encore complétement cernées. Le point de départ de cet album est la découverte d’anciennes vidéos de son enfance retrouvées dans la cave de ses parents. C’est pourquoi on entend beaucoup d’extraits de vidéos, de conversations. (…)

  • Sharon Van Etten - Sharon Van Etten & The Attachment Theory

    Il y a des artistes qu’on côtoie depuis très longtemps, dont l’excellence semble tellement aller de soi qu’on est surpris qu’ils arrivent à se surpasser. On la savait sociétaire d’un genre en soi dont d’autres membres seraient Angel Olsen ou Emily Jane White, voire Bat For Lashes. De fortes personnalités à n’en pas douter. Mais sur cet album, le ton est bien plus rentre-dedans que chez ses (…)

  • The National - Rome

    On a déjà avancé l’idée que The National serait le plus grand groupe de rock du monde. Ou alors pas loin. Mais sans doute par défaut. Il faut dire que leur succès est arrivé sur le tard et presque malgré eux. Ils peuvent se targuer d’une impressionnante discographie. Et puis il y a cette sensation que les albums s’enchainent sans que leur statut n’impose leur contenu. Ils arrivent à avoir des (…)