Accueil > Critiques > 2015

Lana Del Rey - Honeymoon

mercredi 14 octobre 2015, par marc


Le talent de Lana Del Rey est une anomalie quand on y pense. Propulsée d’un coup d’un seul à l’avant de la scène via l’excellent Video Games, elle semblait avoir tous les attributs de la gloire éphémère, voire indue. Un physique retouché alors qu’il ne semblait pas en avoir besoin semblait en faire une émanation terrestre et en 3D de Photoshop. Son comportement scénique minaudant et se prenant pour une icône semblait confirmer qu’à notre époque, il suffit parfois de se comporter comme une vedette pour en être une. Son premier album était lui aussi un peu artificiellement gonflé, ne tenant pas la longueur. Et ses interviews un peu portnawak semblaient indiquer qu’elle n’était plus vraiment avec nous. On le voit, plus des attributs d’une ‘it girl’ que d’une chanteuse à suivre. Donc, en toute logique, elle aurait dû sorti bien vite de notre radar.

Pourtant, on s’est penchés sur son second album et on avait un peu changé d’opinion. Et le troisième (le quatrième si on ajoute un ’vrai’ tout premier que du reste personne n’a entendu) vient encore renforcer cette impression. Certes, le public toujours là devra accepter certains immuables axiomes. Il ne pourra plaire qu’à ceux qui acceptent ce ton suprêmement lassé de fille qui aimerait être partout sauf devant un micro. Elle y avoue sa fascination pour les flamants roses (Music To Watch Boys To)

Finalement, ce n’est pas Mark Ronson qui est aux commandes ici contrairement à ce qui avait été annoncé. On ne pourra pas s’en plaindre tant le traitement est en adéquation avec la musique. Oui, les violons sur Honemoon sont vraiment décoratifs, très surannés et finalement planqués assez en arrière mais c’est le genre qui veut ça.

Donc oui, c’est toujours une musique de gueule de bois, pas de peine amoureuse ou de deuil (c’est important de bien classer les chanteuses déprimantes qu’on aime tant). Elle fait ça très bien mais ne semble pas capable de faire autre chose. Pour faire court, 14 titres est une dose un peu copieuse, sans doute à rapprocher avec une prise trop élevée de médicaments. Comme elle ne quitte jamais sa zone de confort morbide, cet album ne plonge jamais, mais ne semble aussi jamais s’arrêter.

Cependant, il y a quelques morceaux plus forts, qui justifient notre relative patience. Il faut pour ça une mélodie supérieure que la voix peut suivre. Il y a tout ça sur God Knows I Tried et Salvatore. Ce dernier est certes un peu kitsch mais bien honnêtement, je ne me sens pas la force de ne pas succomber. Le reste sort du même moule, un chouïa moins percutant (enfin, on se comprend…). Il y a même des interludes (Burnt Norton) pour ceux qui trouveraient tout ça trop intense. Le morceau final est une reprise du très usité Don’t Let Me Be Misunderstood de Nina Simone. C’est réussi même si cette version sous-vitaminée n’apporte pas grand-chose à la légende.

Portée par un personnage à la fois suranné et très dans son époque de communication, Honeymoon est un album qui confirme le talent presque inattendu de Lana Del Rey, qui a trouvé sa zone de confort et de compétence et y reste. Pour les quelques grands morceaux, il mérite cependant le détour.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

1 Message

  • Lana Del Rey - Honeymoon 18 octobre 2015 13:22, par Laurent

    Cette reprise en bout de parcours est bien inutile et franchement pas du tout réussie à mon goût. Dommage, car en titre de clôture, Swan Song se pose là et aurait pu se la jouer manifeste. Je ne vois en effet plus très bien, au terme de cette belle trilogie, ce que Lana Del Rey aurait encore à dire dans la même veine. J’aime le disque mais il va plus loin que jamais dans le concept de la langueur vénéneuse. L’artiste aurait, pour le coup, tout intérêt à se repenser de A à Z si elle envisage une suite. Je lui souhaite en tout cas, car là j’ai l’impression qu’elle n’a pas encore franchi le proverbial "cap du difficile deuxième album" mais plutôt étiré jusqu’au bout du bout les possibilités de son séduisant personnage. Elle a le talent pour, on verra bien...

    Sinon, j’espère lire bientôt ton avis sur le dernier album assez bluffant des Editors. Question réinvention, c’est plutôt bien ouéj. Au plaisir !

    repondre message

  • Tindersticks – Soft Tissue

    Il est des groupes qu’on écoute encore et pour lesquels on se demande pourquoi on s’inflige ça, déception après inintérêt. Le cas des Tindersticks est un peu différent. Si on ne peut pas prétendre avoir à chaque fois succombé aux charmes d’un album fantastique, il y avait toujours des raisons d’y revenir, de ne pas lâcher l’affaire après 30 (gasp...) années de fréquentation.
    Cet album ne (…)

  • Nick Cave and The Bad Seeds – Wild God

    La nature a horreur du vide, l’industrie musicale encore plus. C’est donc une volonté de la maison de disques de propulser le crooner crépusculaire australien au sommet, déserté par des gens comme Leonard Cohen ou David Bowie pour d’évidentes raisons de décès. Et il semble que ça marche, cette sortie est précédée d’un abondant tam-tam. Pour le reste, c’est aussi la connivence qui va jouer. (…)

  • Michele Ducci - Sive

    Un piano, une voix, voilà ce qui constitue le gros de ce premier album de l’Italien Michele Ducci. Mais il ne fait pas s’y tromper, celui qui était la moitié du groupe electro-pop M+A offre sur cette base un bel album d’une richesse réelle. Et surtout, on capte au passage quelques fort beaux morceaux.
    Notre préférence va sans doute à la simplicité de River qui frappe juste, ou alors au sol (…)

  • Beth Gibbons - Lives Outgrown

    Si après 15 années de Beak> et 5 albums, Geoff Barrow est toujours considéré comme ’le mec de Portishead’, que dire de Beth Gibbons qui s’est effacée de la vie publique depuis tant d’années ? Cette sortie a donc autant surpris qu’enchanté.
    Fort heureusement, musicalement, ce Lives Outgrown ne tente pas de souffler sur les braises du trip-hop. Et c’est intentionnel. Le résultat est donc moins (…)