vendredi 2 novembre 2018, par
La chair de poule ou le sourire, c’est le mélange proposé dans des proportions variables par les albums de Miossec depuis toujours. Le ton général de son onzième album studio est comme depuis quelques albums plus apaisé. Elle semble loin la rage éthylique, cette énergie du désespoir. On s’y est habitués et surtout on a beaucoup changé ces 20 dernières années. Il n’y a pas de mal à avoir des préoccupations de son âge. Passez le message à Nicola Sirkis si l’occasion se présente.
Nous sommes les survivants
Nous sommes les rescapés
Nous sommes de ceux qui ne sont pas passés loin à côté.
On s’est maintenant habitués aux artistes ‘complets’ comme Dominique A, Jeanne Cherhal, Florent Marchet ou Barbara Carlotti ou Pierre Lapointe ou Benjamin Biolay, qui assurent vocalement, musicalement et nous touchent tout à la fois. Christophe Miossec est donc un auteur, pur, singulier. Il est moins musicien et ses meilleurs moments sont dus à des rencontres avec des collaborateurs de haut vol (Guilltaume Jouan, Yann Tiersen). Il se retrouve donc soumis au bon vouloir de ses arrangeurs. C’est clairement une limitation puisque certains comme Vincent Delerm arrivent à trouver un style qui ne souligne pas ses limites.
Mais bon, on peut voir ça comme une opportunité d’élargir son univers. Le ton enjoué chez lui ne pourrait marcher qu’avec des paroles vraiment plombantes (son meilleur exemple en l’espèce étant La Facture D’Electricité) et le côté pop et léger utilisé parfois ici (Je Suis Devenu) apparaît comme une fausse bonne idée. De même, pour assumer la mélodie peu limpide du refrain de L’Aventure, il aurait fallu un Morrissey. On sent que les limites vocales sont atteintes voire dépassées à l’occasion Mais c’est un pinaillage qui devrait laisser froid l’amateur de chanson française.
Ça fonctionne mieux quand l’enrobage est au plus près du texte (Les Infidèles) ou que la pulsation supporte bien la scansion du texte, son urgence (Nous Sommes). C’est un très beau texte d’ailleurs, sans jugement et à hauteur humaine. Comme les bons Miossec quoi. On note même quelques morceaux de bravoure musicaux, comme ce violon sur Les Infidèles, cette batterie qui claque sur Pour.
Mais il est bel et bien là, gardant même ses tics d’écriture comme les répétitions ou les phrases trop longues pour leur mélodie, comme un marqueur fort ou un défaut qui n’en est plus un une fois que le temps l’a poli. Et puis il y a toujours ce panache, cette surprise (La mer n’est plus jamais la même/Quand on lui a laissé quelqu’un dedans), cette possibilité de désarmer en deux phrases (Je me suis fait tout seul/Et je me suis raté). Mais le meilleur moment est sans doute le final La Ville Blanche où fond et musique trouvent la distance juste pour frapper fort.
La sympathie inspirée par Christophe Miossec est inaltérable. Cela étant dit, la forme ici est occasionnellement moins emballante mais tout ce qu’on aime chez lui reste là. Si Les Rescapés n’est pas la porte d’entrée idéale pour le profane, il reste un passage obligé d’un artiste qui reste pertinent un quart de siècle après ses débuts.
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