vendredi 18 janvier 2019, par
Quels sont les artistes les plus influents et décisifs de l’époque ? La liste dépendra de chacun mais il sera compliqué de faire l’impasse sur Bradford Cox. La qualité jamais prise en défaut de ses sorties et leur versatilité forcent en tous cas le respect. En effet, bien malin qui pourra prévoir ses évolutions.
On se rappelle que le contact s’était fait via un mélange savant de post-punk et de dream-pop fiévreuse. C’était il y a déjà dix ans. Et puis on a eu droit aussi à des albums qui suintaient l’huile de moteur. L’opposé donc de la dernière tendance plus aéré et fluide. Pourtant on distingue une ligne. Fusionner des styles est une vieille idée, et garder son style et sa personnalité tout en évoluant est peut-être la plus admirable réalisation de Bradford Cox.
Plus d’artifices, c’est une écriture directe et sans effets qu’on entend d’emblée sur Death In Midsummer. Pas toujours très riches en émotion de prime abord mais attachants, les albums de Deerhunter ont toujours une maîtrise et une variété qui marquent. Il y a ce je-ne-sais quoi de relâchement dans le son qui crée le décalage. Element est un morceau de Deerhunter pur jus dans son traitement. D’ailleurs, quand le ton est plus doux, il est compliqué de distinguer Deerhunter d’Atlas Sounds, l’autre projet de Cox.
Il y a tellement de choses dedans que garder la légèreté est une performance en soi. Notons la collaboration de Cate Le Bon qui a visiblement apporté des éléments sonores et dirigé l’inspiration. Notons par exemple les intrusions japonisantes du plus ouvertement psychédélique Détournement, comme si Animal Collective faisait de la pop sixties.
On retrouvera aussi quelques instrumentaux synthétiques comme Greenpoint Gothic ou Tarnung du au guitariste du groupe (Lockett Pundt) mais plus que des pauses, ils se fondent dans l’album comme ceux de Low ou Heroes à l’époque. Si on sort mollement les paillettes sur Plains, comme Of Montreal en vacances, l’accessibilité réserve quelques variations et on ne peut que constater que What Happens To People ? est simplement un grand morceau pop limpide.
Même si on aime savoir comment une musique s’élabore, comment elle prend forme, on est aussi très contents de s’attarder sur le résultat seul, surtout pour les plus doués. Grizzly Bear ou Deerhunter arrivent à être si personnels dans leurs résultats qu’on n’a même plus envie de savoir comment ils font. Toujours un peu froide dans sa perfection malgré un aspect détendu indéniable, la musique de Deerhunter constitue tout simplement une des meilleures discographies de notre époque. Cet album dont le nom est celui d’un ouvrage de Baudrillard est sans doute ce qu’ils ont fait de plus accessible, en faisant sans doute une excellente introduction pour le curieux non encore au fait.
Depuis eux albums, Cross Record est le projet solo d’Emily Cross. Chanteuse de Loma, elle agit aussi en tant que ‘Death Doula’, autrement dit en assistant des fins de vie. Elle a aussi quitté son Texas pour le Dorset et est devenue mère, ce qui ne doit pas être un mince ajustement. Donc quand on décèle que c’est une chanteuse habitée, tout ce substrat prend son sens, prend chair même. (…)
Comme un Perfume Genius qui a émergé à la même époque, Trevor Powers est passé de petit génie de la bedroom pop intime à singer/songwriter aux possibilités pas encore complétement cernées. Le point de départ de cet album est la découverte d’anciennes vidéos de son enfance retrouvées dans la cave de ses parents. C’est pourquoi on entend beaucoup d’extraits de vidéos, de conversations. (…)
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