Accueil > Critiques > 2019

Xiu Xiu - Girl With a Basket of Fruit

vendredi 8 février 2019, par marc


On l’a déjà dit, James Stewart est un des rares artistes qui dégage une odeur de danger et les amateurs de musique relaxante tourneront le dos après quelques secondes de ce Girl With a Basket of Fruit, la plage titulaire ne voulant prendre personne dans le sens du poil. Le seizième album de Xiu Xiu n’est pas celui de l’assagissement, sachez-le. Il part donc très fort pour s’assurer que seuls les motivés suivront.

Les motivés d’ailleurs l’ont sans doute suivi dans une activité récente très riche qui comprenait une série de musiques spécifiquement composées pour accompagner la prise de drogue (on a un peu écouté et pas essayé, promis maman), un album presque drone sous son nom propre et sa présence lors des soirées qui ont vu Shearwater et des amis reprendre avec succès la trilogie berlinoise de Bowie. Oui, Heroes chanté par Stewart, c’est vraiment convaincant).

La malaise, cela dit, pourra commencer plus tôt, dès la lecture du dossier de presse. Loin de la langue de bois et de la louange de mise dans cet exercice souvent stérile, c’est une poésie noire et violente qui est proposée. On devine donc que c’est du nom d’une peinture du Caravage que le nom de l’album est dérivé.

Si on va avoir du mal à défendre It Came Out As A Joke, tout le monde sera d’accord qu’ils sont bombastiques quand ils ajoutent une pulsation (Pumpkin Attack on Mom and Dad) et là, on sait qu’on est venus pour ça, pour cette intensité presque insoutenable, pour toucher les limites de la musique et les nôtres. C’est sans doute un des rejetons les plus logiques de l’indus des années ’80, en droite ligne d’Einsturzende Neubauten, celle qui n’a pas pris la teinte de rock vieux de Trent Reznor.

L’album bascule alors vers du plus apaisé. Enfin, c’est tout relatif sur Scissssssssors et même quand la musique apparait comme sereine, Stewart ne l’est pas vraiment (Normal Love) et la densité du son reste bien présenté (The Wrong Thing). Ils ne reculent pas devant des sujets graves comme le lynchage de Mary Turner et c’est évidemment plus perturbant que ce que certains font de Strange Fruit.

Stewart est le seul membre du line-up original de Xiu Xiu. Comme beaucoup de formations (de Smashing Pumpkins à Shearwater), on peut y voir l’exutoire créatif d’un artiste unique mais il sait s’entourer. Ils partent en tournée avec Angela Seo (aussi à la réalisation des clips et à la production avec Greg Saunier de Deerhoof), Thor Harris (Swans) et Jordan Geiger, ces deux derniers faisant partie de Shearwater période Rook.

S’il n’a jamais beaucoup mis d’eau dans son vin, force est de constater que remonté à bloc après des projets tous plus barrés les uns que les autres, James Stewart ne fait aucune concession à l’accessibilité sur cet album de Xiu Xiu. Et c’est ce qu’on aime chez lui. Son engagement hors pair nous captive alors qu’on pourrait balayer ceci d’un haussement d’épaules. C’est la part d’impondérable qu’il faut garder. Il y a fort heureusement un morceau imparable sur cet album qui sera la récompense pour les esprits curieux et pas farouches.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Cross Record – Crush Me

    Depuis eux albums, Cross Record est le projet solo d’Emily Cross. Chanteuse de Loma, elle agit aussi en tant que ‘Death Doula’, autrement dit en assistant des fins de vie. Elle a aussi quitté son Texas pour le Dorset et est devenue mère, ce qui ne doit pas être un mince ajustement. Donc quand on décèle que c’est une chanteuse habitée, tout ce substrat prend son sens, prend chair même. (…)

  • Youth Lagoon - Rarely Do I Dream

    Comme un Perfume Genius qui a émergé à la même époque, Trevor Powers est passé de petit génie de la bedroom pop intime à singer/songwriter aux possibilités pas encore complétement cernées. Le point de départ de cet album est la découverte d’anciennes vidéos de son enfance retrouvées dans la cave de ses parents. C’est pourquoi on entend beaucoup d’extraits de vidéos, de conversations. (…)

  • Sharon Van Etten - Sharon Van Etten & The Attachment Theory

    Il y a des artistes qu’on côtoie depuis très longtemps, dont l’excellence semble tellement aller de soi qu’on est surpris qu’ils arrivent à se surpasser. On la savait sociétaire d’un genre en soi dont d’autres membres seraient Angel Olsen ou Emily Jane White, voire Bat For Lashes. De fortes personnalités à n’en pas douter. Mais sur cet album, le ton est bien plus rentre-dedans que chez ses (…)

  • The National - Rome

    On a déjà avancé l’idée que The National serait le plus grand groupe de rock du monde. Ou alors pas loin. Mais sans doute par défaut. Il faut dire que leur succès est arrivé sur le tard et presque malgré eux. Ils peuvent se targuer d’une impressionnante discographie. Et puis il y a cette sensation que les albums s’enchainent sans que leur statut n’impose leur contenu. Ils arrivent à avoir des (…)