vendredi 26 mars 2021, par
Non, on ne peut plus parler de plaisir coupable pour celle qui mine de rien s’impose comme une personnalité majeure d’une scène musicale toujours plus morcelée. On ne doit même plus justifier notre attachement à ce spleen un peu suranné, on est majoritaire pour une fois.
Une écoute distraite ne permet jamais de déceler les différences entre deux albums de Lana Del Rey tant son style semble défini une fois pour toutes. De plus, cet album ne présentant aucune poussée de fièvre, cette attention pourra se fixer plus difficilement. Mais encore une fois, le détail est gratifiant et ce qui était annoncé comme un virage folk est vraiment réussi.
Il y avait sur NFR ! Quelques digressions musicales qui amenaient les morceaux vers des contrées plus aérées, plus diverses que son implacable mélancolie. Ici, les singles durent trois minutes, sans aucune matière grasse ni déviation. Tout au plus un outro peut utiliser un petit solo de batterie. Donc plutôt que de livrer une suite logique à l’album précédent, elle essaie des choses, étend son pré carré.
L’album précédent est sans doute un jalon, celui où une petite différence faisait un effet énorme et lui a offert une quasi-unanimité critique alors qu’elle semblait ne s’adresser qu’à ses admirateurs, ce qui fait déjà du monde convenons-en. Mais ce succès ne l’a pas bloquée, bien au contraire, puisqu’elle est revenue avec cet album qui est près depuis fort longtemps et s’apprête à revenir dans trois mois avec un autre. Sans doute que la dispense de la corvée des concerts lui est salutaire.
La plage titulaire se place dans ce sillage-là de la plupart de ses albums précédents, avec une production dépouillée qui souligne la beauté simple de ces morceaux. L’autre single Let Me Love You Like a Woman était un single. Ces morceaux la voient chanter de façon assez habituelle. Et il y a des vraies réussites à la clé. Jesus Tulsa Freak est discret mais toujours impeccable. De plus, ces chansons ont toujours un côté intemporel par leur musicalité peu datable mais ses préoccupations sont parfois liées au présent. Comment expliquer autrement ce titre narquois. Yosemite était sensée figurer sur Lust For Lifemais avait été écarté car trop... positive. Avec un peu de recul, si le texte est moins élégiaque, rien ne permet de déceler une overdose de joie dans ce morceau qui prouve encore son incroyable sens de la mélodie.
Les variations sont à aller chercher du côté de la voix parfois plus aérienne, avec un peu plus d’air d’emblée. Ou alors auprès des harmonies vocales (Wild at Heart). La voix se fait plus aiguë sur Not All Who Wonders Are Lost, morceau plus pastoral et acoustique, ce qui est la coloration majoritaire ici et lui convient très bien, tout en en faisait quelque chose de plus évanescent et moins viscéral. Certaines strophes de Lana Del Rey peuvent vriller l’âme, il n’y en a pas ici, soyons clairs. On la situerait plus dans le sillage d’une Marissa Nadler, les deux ayant depuis toujours appelé des rapprochements avec une certaine Hope Sandoval (Mazzy Star pour les distraits). Quelques petits marqueurs bluesy augmentent encore le rapprochement déjà marqué par une étouffante impression de spleen de la vie qui les unit.
Les deux morceaux finaux sont ceux qui dévient le plus sensiblement des habitudes mais non seulement c’est subtil mais ça lui va très bien. Il faut aussi admettre que le segment des chanteuses folk délicates chères à nos cœurs est déjà bien rempli.
Comme on l’a déjà évoqué dans un passé récent, il n’y a pas que les albums les plus marquants qui définissent une discographie. Sorti peu de temps après ce qui restera sans doute comme son chef-d’oeuvre, cet album plus discret, à la fois empreint de son talent mélodique inégalé et plus discret dans ses effets, donne une vision moins clinquante mais toujours indéniable du talent de Lana. L’émotion point un peu moins peut-être mais c’est une perception éminemment personnelle. Elle est un artiste majeure et est là pour durer, ça par contre c’est indiscutable.
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