Accueil > Critiques > 2021

Antoine Wielemans - Vattetot

mercredi 24 novembre 2021, par marc


Cet album d’Antoine Wielemans répond à une question qu’on ne s’était jamais posée : “A quoi ressemblerait Girls in Hawai en français ?”. Enfin, c’est un peu plus compliqué que ça, il n’est après tout qu’un membre du quintette mais quand on sait son rôle central et le résultat ici

Il faut l’avouer aussi, on ne s’est jamais demandé ce que racontent les chansons du groupe de Braine l’Alleud. Ils avouent d’ailleurs placer les textes en fin de processus. Il faut dire que l’emploi de l’anglais est plus un parti-pris esthétique qu’une ambition littéraire, on n’a jamais tenté l’exégèse des textes de ceux qui ne sont pas nativement anglophones. Passer au français est surtout un risque à cet égard, parce que les textes passent au centre de l’attention. Ils sont réussis, ces textes, parce qu’ils trouvent d’emblée la distance juste entre quotidien et poésie, s’insérant dans cette musique tristoune (on adore) sans aucune auto-complaisance.

Antoine avoue d’ailleurs qu’en anglais ça sonnait trop comme avec son groupe de base. Se sont ajoutées une envie de clarté qu’on ne peut concevoir qu’avec sa langue maternelle et la découverte d’un nouvel instrument, le piano, a été visiblement salutaire. Ajoutons à ça un changement de décor avec un déplacement solitaire en Normandie et le contexte est à peu près complet.

Etrangement, alors que la voix n’a jamais été le point d’attraction central de la musique de GIH (alerte à la litote), ils ont toujours su le placer de la façon la plus flatteuse possible. Il y chante un peu différemment ici, ce n’est qu’en quelques moments (poésie) que le rapprochement est le plus manifeste.

Et c’est beau d’emblée, avec des passages instrumentaux qui dépassent largement ce qu’on est en droit d’attendre de chanson française, qui apportent de la matière (Blanche). Sans jouer aux jeux des sept erreurs, on retrouve avec plaisir la mélancolie tenace du groupe de base. Les arpèges de De l’Or pourraient provenir d’un morceau de Nocturne tandis que le clavier de Bruxelles a les accents ouatés d’Air. Et on se dit que cet album uniformément plaisant regorge de moments d’intensité forte.

Il y a des thèmes maudits. Comme les berceuses, les chansons sur Bruxelles sont un appel à la médiocrité. Rien de ça ici, le morceau qui porte le nom de la capitale de la Flandre (mais pas que...) n’est pas un hommage mais un contexte. Et c’est réussi, du coup.

Plus qu’une escapade d’un chanteur dont on aime le groupe, c’est un nouveau talent francophone qu’on salue ici. Un album de pop française qui garde les qualités de mélancolie de Girls In Hawai, on n’avait en effet jamais osé le penser. Mais on l’a, maintenant. Et on le garde.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

2 Messages

  • Antoine Wielemans - Vattetot 25 novembre 2021 09:27, par Laurent

    Excellent article ! (Et j’aime aussi beaucoup l’album...)

    Mmmh, quant aux chansons sur ma ville, je dirais que cette dernière inspire autant de titres excellents (Annegarn et ses nombreuses reprises, Brel, Daniel Hélin, la plupart des rappeurs d’ici) que de trucs bien pourris (outre un tube tout frais, mentions spéciales aux insoutenables Boulevard des Airs et à l’inénarrable Edouardo).

    repondre message

    • Antoine Wielemans - Vattetot 25 novembre 2021 11:15, par Marc

      C’est précisément à Annegarn que je pensais en écrivant cette phrase, je n’aimais déjà pas cette chanson avant qu’on ne l’entende tout le temps après les attentats. Il y a évidemment beaucoup de bonnes choses sur Bruxelles, ce serait réducteur de dire le contraire.

      J’ignorais que Boulevard des airs avait commis quelque chose dans cette catégorie, j’ai presque envie de vérifier...

      repondre message

  • Jeanne Cherhal - Jeanne

    Jeanne Cherhal est une chanteuse moderne. Elle n’a en tous cas jamais reculé devant la dualité entre chansons d’amour et chansons sur la condition féminine, on ne décèle ici aucune déviation de sa trajectoire en la matière. Paradoxalement, c’est le conseil mal informé d’un exécutif de maison de disque qui lui a suggéré que ça pourrait être pas mal, pour elle, d’écrire des chansons féministes (…)

  • Nicolas Jules – Rock ’n Roll Marabout

    “Un disque de rock’n’roll en solo. Tout comme le chanteur sur la pochette n’est pas Chuck Berry, l’oiseau n’est pas un marabout mais un jabiru d’Amérique.”
    Même la lacunaire introduction est du Nicolas Jules pur jus, ça ne change pas. Ce qui change, et c’est une excellente nouvelle c’est que ses albums sont disponibles sur Bandcamp, qui reste une façon efficace de soutenir les artistes et (…)

  • Albin de la Simone - mes battements/Toi Là-Bas

    Normalement, on se concentre exclusivement sur l’aspect musical des choses. Même les musiques de film, série ou danse sont vues pas le simple prisme auditif. On va faire une exception ici parce qu’on l’a lu, Mes Battements d’Albin de la Simone. Et on a bien fait tant c’est un bonheur de sincérité et d’humour. Ce sont des anecdotes, un peu, des histoires courtes, des instantanés écrits et (…)

  • The Imaginary Suitcase – A Chaotic Routine (EP)

    Oui, les choses changent, même pour les compagnons musicaux de longue date. Et même après une dizaine d’oeuvres relatées ici, on constate ce changement dès la pochette. On passera sur le changement de police de caractère pour se concentrer sur les visages, présents pour la première fois. Et puis constater que Laurent Leemans n’est plus seul à bord, même si les autres noms ne sont pas (…)