mercredi 3 mai 2023, par
Mettre en musique de la poésie (plus ou moins) ancienne est une tradition fermement établie. Des premiers Gainsbourg à Baudelaire repris par Murat via Ferré en passant par la moitié de la discographie de Jean Ferrat, ce classicisme est déjà balisé. Ce n’est pas ce que Louis Arlette a voulu faire.
Dans des formes plus modernes, on a aussi beaucoup aimé ce que Zédrine avait fait de La Nuit de Décembre. C’est plutôt cette voie qui est explorée ici, avec un résultat plus mitigé. Les arrangements sont modernes et bien fichus, certes, mais le Sacrilège annoncé n’est pas là. Tant qu’à travailler du patrimoine, autant y aller franco, à dézinguer du vers. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si la plus manifeste réussite est dans une veine plus classique, Tristesse de Musset prenant ici une teinte mélancolique qui lui va très bien. Il convient sans doute de voir cet EP comme une escapade d’une discographie qu’on ne connait pas bien.
A l’instar du cinéma de genre qui ravit les afficionados et imprègne les genres plus mainstream, certaines musiques typées font le bonheur des amateurs. C’est le cas de cette veine shoegaze/dreampop qu’on apprécie beaucoup. Et dans les canons du genre, les Liégeois d’Eosine ont des arguments à faire valoir. Et la reconnaissance est aussi au rendez-vous avec une victoire au Concours-circuit.
Tout d’abord, la voix haut perchée d’Elena Lacroix permet de distiller ce qu’il faut de force et de suggestion. On a droit à des murs de guitare vraiment délicieux et de la densité, évidemment. Mais le genre et leur talent permet aussi un peu de variété puisqu’ils peuvent relever leurs morceaux de rythmes robotiques (on pense à Stereolab sur Digitaline) ou proposer des climats plus rêveurs avec giclée d’acide (Ciaran). Mixé et masterisé par Mark Gardener (Ride), ce second EP du groupe au nom de colorant de couleur orange-rosé aux propriétés asséchantes (dixit wikipedia) connait donc son boulot et tout amateur du genre ou tout curieux y trouvera son compte.
Le meilleur moyen de ne pas se laisser oublier, c’est de revenir bien vite. On a encore dans l’oreille la réussite du premier EP de June Road et Stay Warm nous remet tout de suite dans le bain avec des cordes virevoltantes et remet le niveau à sa digne hauteur. Ces cordes sont toujours judicieuses et viennent relever l’autre morceau de bravoure qu’est Wish I Could Stay qui peut sans dommage mêler deux langues.
Pas de doute, pour écouter beaucoup du genre, ceci est incontestablement le haut du panier. Les mélodies sont toujours mémorisables mais le ton est plus distinct, moins pop et solennel, plus personnel quoi. On est toujours au-delà de la compétence, parce qu’il y a quelque chose qui vibre ici. On l’a déjà signalé, on est totalement en faveur d’[une discographie faite d’EP’s réguliers qui montrent une évolution en temps réel. Maia Frankowski et Harry Pane sont là pour durer et on reprend plein d’EP’s de ce genre, ou un album. Ou plein.