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Pulp – More

vendredi 18 juillet 2025, par marc


Non, je n’aurais jamais pensé critiquer l’actualité d’un groupe comme Pulp (on en avait parlé ici pourtant). On craint d’ailleurs souvent ces retours venus de nulle part tant la fibre nostalgique permet de plans marketing. Personne ne pense une seconde qu’Oasis se reforme sur des bases artistiques et pour proposer du matériau neuf et excitant.

C’est dans ce contexte un peu suspicieux que l’annonce d’un premier album studio en 24 ans s’est fait entendre. Comme More est disponible depuis plus d’un mois maintenant j’imagine que je ne serai plus à l’instigation d’un acte d’achat impulsif.

Si ce retour convainc, c’est parce que l’envie semble là. Celle qui permet un engagement de tous les instants, sur tous les morceaux. Le tout a d’ailleurs été enregistré en trois semaines, signe que l’envie était là. Evidemment, il y a des moments plus marquants (on y reviendra) mais pas que, les albums de Pulp tenant toujours sur la longueur parce que les morceaux moins mis en avant étaient toujours défendus avec un cœur énorme. D’ailleurs, il a fallu un certain temps à son prédécesseur, We Love Life, pour imposer son statut culte, justement parce qu’il ne comportait aucune locomotive évidente, pas plus que de faute de goût d’ailleurs.

Ils semblent d’ailleurs reprendre les choses un peu plus en amont, tout en gardant une patte assez reconnaissable. Dans les thèmes tout d’abord. La découverte de soi, la découverte du sexe, ce sont souvent les thèmes des chansons de Jarvis Cocker et le temps qui passe n’a rien changé. Mais on n’est pas dans un jeunisme forcé (ce n’est pas Nicola Sirkis quoi...) et ils nous gratifient de quelques aphorismes bien sentis comme
Without love/you’re just jerking off/inside someone else
Faisant écho aux légendaires
There’s a hole in your heart and one between your legs and you never have to wonder which on he’s going to fill (la ref ou
I’m not looking for a relationship/Just a living receptacle (l’autre ref.

Un morceau s’appelle My Sex, comme ça c’est clair pour tout le monde. Musicalement, un album de Pulp ne ressemble qu’à Pulp. L’excellent boulot du producteur James Ford (The Last Shadow Puppets, Beth Gibbons et un CV en or massif) n’a en tout cas pas dénaturé le propos, même quand le storytelling prend le pas sur Farmer’s Market. On connait depuis longtemps la connivence entre Jarvis Cocker et le déroutant pianiste canadien de muzak alternative Chilly Gonzalez et on ne s’étonnera pas de le retrouver ici sur un des morceaux les moins puissants (Hymn of The North).

Ce qu’on retiendra de toute façon, c’est l’impeccable constance et des très hauts faits. Grown Ups en hymne de la maturité insidieuse (Trying so so hard to act like a grown up), Background Noise en morceau plus langoureux qu’on penserait sorti du Separations d’il y a trente ans en sont deux exemples.

Le plus frappant est sans doute Got To Have Love, à même de rejoindre une pelletée de classiques et qui fait visiblement son petit effet en concert si on en croit cette captation de BBC2. Entre chœurs très soul vintage et quelques habitudes (épeler les mots par exemple), on tient là un de leurs futurs classiques. On n’osait pas rêver qu’ils nous gratifient encore de choses pareilles.

On ne demande pas à The Cure, Sparks ou Pulp de se conformer à l’air du temps. C’est l’air du temps qui confirme leur pertinence, quelle que soit l’époque. Cet album ne dépare pas la discographie du groupe de Sheffield. Et rien que ça, c’est un exploit. Le public ne s’y est pas trompé avec un numéro un des ventes d’albums en Angleterre. On ne va donc nullement bouder notre plaisir au moment de retrouver un de nos groupes préférés tous genres et époques confondus.

    Article Ecrit par marc

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2 Messages

  • Pulp – More 18 juillet 09:10, par Laurent

    J’ignorais que ton attachement à la cause pulpesque était à ce point geek (les ref’ sont pointues). Mais c’est une riche idée, dis. Face au triumvirat britpop nineties, je ne saurais vraiment dire où va mon allégeance tant j’ai adoré les trois, mais j’avoue que c’est sans doute "Different Class" et "This Is Hardcore" que je réécoute le plus. Et ce "More", qui enthousiasme assurément mais vers lequel je reviendrai probablement peu dans 10 ans, n’en constitue pas moins une des meilleures surprises de l’année (j’ai entendu parler de concerts de reformation d’Oasis mais ce sont probablement des ragots).

    Blur et Noel ont sorti de très bons disques il y a deux ans, mais est-ce la proximité qui donne envie de dire que celui-ci est encore plus convaincant ? Cette année, on a aussi eu droit à de nouvelles sorties des Kooks (bof), des Manic’s (bof bof bof) et des Doves (aaah voilà)... mais encore une fois, rien qui arrive à la cheville de ce "More". Alors quoi ? Tu as raison de le comparer à "We Love Life" (pour toujours le dernier album) : en soi c’est très bon mais il y a un mais, sans doute le timing ou en effet, comme tu le dis bien, l’absence de locomotive.

    Et puis, à l’écoute, malgré James Ford, j’entends qu’il y a un truc qui manque pour vraiment me reconnecter au son de la grande époque : de la basse !! Oui d’accord, il y a un gars qui en joue, mais c’est plus Steve Mackey et je trouve qu’ils ont trop poussé le treble sur ce disque. C’est ma seule réserve. Sinon, voilà sans doute un des comebacks les plus remarquables de toute l’histoire du rock (sorry Oasis et sorry Guns’n’Roses...).

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    • Pulp – More 4 août 16:46, par marc

      J’avais retenu quelques aphorismes salaces de la part de Jarvis Cocker, c’est toujours marquant chez lui. J’avais découvert Pulp via His ‘n Hers et évidemment les deux albums suivants ont confirmé l’attachement indéfectible. Il est possible que je revienne à More dans dix ans, on verra en 2025 donc.

      J’avoue avoir sérieusement lâché la piste des frères Gallagher depuis longtemps. Au niveau des retours, je n’ai pas encore écouté ceux que tu mentionnes, j’irai probablement du côté de Suede et The Divine Comedy qui promettent un peu.

      Ta remarque sur le manque relatif de basse est sans doute à relier à un son moins ‘plein’ que sur, disons, This Is Hardcore.

      « Tout le monde disait que Common People était à propos de moi mais je connaissais à peine Jarvis… » (t’as la ref ? https://youtu.be/UrX4mqXmapE?si=4HbXL3mjGCN_A-9d, bon d’accord, un peu geek quand même…)

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