samedi 2 décembre 2006, par
Le Canada excelle aussi en français
L’écriture de critiques implique souvent le désir de découvertes de territoires nouveaux. En effet, les quantités de musique auxquelles nous sommes exposés amène fatalement la recherche de ce qui se distingue, de se qui pourra nous sortir de notre torpeur. Et tant mieux si ça implique de remettre à jour certaines idées reçues. Depuis une paire d’années, le Canada nous envoie par camions des raisons de se ravir. Le point commun de cette longue liste de réussites était la pratique de l’anglais. Or ce grand pays parle aussi notre langue. On le sait à cause des Tsunamis vocaux qu’on reçoit aussi à intervalles réguliers. C’est donc avec un plaisir non feint mêlé de circonspection qu’on aborde Pierre Lapointe.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’ai pas adhéré à la seconde à cette Forêt Des Mal-Aimés. Découvert comme tant d’autres grâce à une compilation des Inrockuptibles via la chanson Deux Par Deux Rassemblés (qui fait montre d’un bel abattage, même si le tempo enlevé n’est pas typique du reste), il m’a fallu plusieurs mois avant de me lancer dans une critique. Il faut en tous cas un peu laisser ses préjugés au clou avant de se lancer. Au cours de la première écoute, j’ai pensé plusieurs fois "Ouille" à l’écoute de morceaux comme Le Lion Imberbe ou De Glace. Le lyrisme est en effet parfois un rien déconcertant en cette époque ou le minimalisme est de mise (pensez par exemple aux sociétaires de Tôt Ou Tard) pour la chanson française de moindre diffusion. Je vais maintenant tenter d’expliquer pourquoi je n’ai pas refermé la porte au nez de Pierre Lapointe et pourquoi au final il s’impose comme une de mes révélations de l’année dans cette langue qui s’éloigne de plus en plus de celle de Voltaire.
Une première caractéristique de Pierre Lapointe est le manque total d’inhibitions musicales. C’est ce qui lui permet de placer dans cet album deux morceaux purement instrumentaux (25-1-14-14 et 25-1-14-14.16, qui ramène à Yann Tiersen pour le sens mélodique, en plus ampoulé). A tout moment, même un morceau qui me plaît moins, il y a un rattrapage musical juste derrière. Peut-être que sa nationalité y est pour quelque chose, mais on donne rarement du groove comme sur Qu’en Est-il De La Chance en français.
Les paroles sont parfois un rien absconses (L’Endomètre Rebelle) mais c’est le culot et l’ampleur du final qui emportent l’adhésion, même si on sait qu’on est à deux doigts de la boursouflure d’un ancien générique de Champs-Elysées. De plus, si c’est parfois un peu littéraire, c’est suffisamment respirable pour ne pas sentir la poésie. La musique qui fait oublier les paroles, c’est trop rare comme démarche en chanson française. Même si le mixage met la voix en avant. Les arrangements de corde sont en tous cas très ambitieux. Pour ma part, je regretterai juste le côté un peu trop lisse du son. C’est moins convaincant en ce domaine que son compatriote Owen Palett (Final Fantasy est essentiel, je ne le répéterai jamais assez).
Outre donc une approche bille en tête, la principale qualité de Lapointe est un sens de la mélodie assez soufflant. Même dans les moments les plus ampoulés, il reste un air facilement discernable. La volonté semble simplement de faire une belle chanson. Et il y arrive souvent. Citons par exemple la comptine Nous N’Irons Pas, Tous Les Visages ou Au 27-100 Rue Des Partances. Des chansons simples souvent et à l’air frais.
Vous l’aurez compris entre les lignes, Pierre Lapointe a un peu les défauts de ses qualités. Un peu comme Neil Hannon quand Divine Comedy était à son zénith. Donc le romantisme souvent retenu peut parfois comporter des excès. Mais ça part toujours de l’intention de faire une bonne chanson, quels qu’en soient les moyens. L’album étant assez fourni (16 titres) et il faut savoir skipper de temps en temps pour trouver une haute qualité constante. Je n’ai jamais pu écouter Moi Je T’Aimerai en entier par exemple.
Cet album de Pierre Lapointe ne conviendra peut-être pas à tout le monde. Il s’adresse à ceux qui veulent découvrir les infinies possibilités de la chanson française, à ceux qui veulent un peu de panache, aux gens curieux tout simplement. J’y ai eu en tous cas largement mon compte.
Jeanne Cherhal est une chanteuse moderne. Elle n’a en tous cas jamais reculé devant la dualité entre chansons d’amour et chansons sur la condition féminine, on ne décèle ici aucune déviation de sa trajectoire en la matière. Paradoxalement, c’est le conseil mal informé d’un exécutif de maison de disque qui lui a suggéré que ça pourrait être pas mal, pour elle, d’écrire des chansons féministes (…)
“Un disque de rock’n’roll en solo. Tout comme le chanteur sur la pochette n’est pas Chuck Berry, l’oiseau n’est pas un marabout mais un jabiru d’Amérique.”
Même la lacunaire introduction est du Nicolas Jules pur jus, ça ne change pas. Ce qui change, et c’est une excellente nouvelle c’est que ses albums sont disponibles sur Bandcamp, qui reste une façon efficace de soutenir les artistes et (…)
Normalement, on se concentre exclusivement sur l’aspect musical des choses. Même les musiques de film, série ou danse sont vues pas le simple prisme auditif. On va faire une exception ici parce qu’on l’a lu, Mes Battements d’Albin de la Simone. Et on a bien fait tant c’est un bonheur de sincérité et d’humour. Ce sont des anecdotes, un peu, des histoires courtes, des instantanés écrits et (…)
Oui, les choses changent, même pour les compagnons musicaux de longue date. Et même après une dizaine d’oeuvres relatées ici, on constate ce changement dès la pochette. On passera sur le changement de police de caractère pour se concentrer sur les visages, présents pour la première fois. Et puis constater que Laurent Leemans n’est plus seul à bord, même si les autres noms ne sont pas (…)
En général, les mailing-list d’artistes sont des outils d’information, une indispensable source pour les sorties et les tournées. Parfois on a un lien privilégié avec les pensées des artistes, certain.e.s se révélant brillant.e.s dans l’exercice. On songe à Emily Haines de Metric ou Marie Davidson. Entre blog introspectif et histoires éclairantes, ces messages plus ou moins réguliers (…)
Depuis le 2 janvier 2007, la musique de Basia Bulat est dans nos vies. Et elle y est restée. Après avoir revisité sa discographie avec un quatuor, la revoici avec du nouveau matériel initialement composé en midi. En mode disco donc ? Non, pas vraiment, même si Angel s’en approche un peu. Le décalage avec sa voix chaude est intéressant en tous cas.
Dans le rayon du mid-tempo plus roots, des (…)
Il y aurait beaucoup à écrire sur les groupes dont les noms évoquent des morceaux d’autres artistes. Obligatoire pour les tribute-bands, cet hommage se retrouve souvent entre Radiohead, dEUS ou The Blank Agains ou Don Aman. Si le nom du groupe de Montréal nous a tout de suite évoqué un classique de Can, la musique n’est pas Kraut ici. Ou pas que.
Même s’il ne convient pas de juger un livre (…)
On a constaté récemment que le talent de Spencer Krug s’exprime le mieux dans deux pôles opposés. Le premier est plus sobre, en piano-voix souvent et dégage une émotion certaine. L’autre est plus épique et peut prendre des formes diverses, plus électriques et incandescentes avec Dan Boeckner au sein de Wolf Parade, plus synthétique quand Moonface rencontre les Finnois de Siinai. Ou alors plus (…)