Accueil > Critiques > 2006

Beck : The Information

mardi 5 décembre 2006, par marc

Plus cool que lui tu meurs


Beck est le chanteur le plus cool de la planète. Je sens qu’à part ma prolixité habituelle, tout me pousse à arrêter ma critique ici. Il n’en sera rien, je veux briser le signe indien et terminer une critique de Beck. C’est l’excellent concert du Pukkelpop qui m’a donné l’idée de me refrotter à Beck, moi qui n’ai pas pu construire une opinion cohérente sur Guero et Guerolito.

Tout d’abord, parlons de l’objet lui-même. La pochette, de prime abord, pourrait nous faire croire à une pingrerie sans nom. En effet, il n’y a strictement rien à part de discrets petits carrés bleus. C’est seulement en ouvrant la boîte qu’on découvre une collection impressionnante d’autocollants en tout genre (le mauvais goût volontaire constitue l’essentiel de l’inspiration). C’est donc à vous de vous constituer la couverture dont vous rêviez. La réputation de farceur de Beck est donc bien affirmée. Seconde surprise, il y a un DvD bonus. Non pas un ou deux ou des clips, mais TOUS les clips, fait maison. 70 minutes de bricolages rigolos. Le Californien ne fait rien comme les autres et si, finalement, c’était une solution pour ramener les consommateurs vers l’objet-disque en ces temps de téléchargement outrancier ?

Dix secondes se sont écoulées que déjà l’ambiance est installée. Malgré la météo, ça sent bon le cruising le nez dans le vent tiède du soir. Elevator Music et Think I’m In Love servent de fort bonne introduction. On quitte le pur délassement pour Cellphone’s dead, qui rappelle à la fois Gorillaz et ce que ces derniers doivent au Californien. Pour le reste, cet album ne se prête pas à l’analyse piste-par-piste. C’est en effet la couleur générale qui est importante. On peut le déguster d’une traite sans ennui, ce qui ne m’était plus arrivé avec Beck depuis des lustres.

On peut rappeler le séisme qu’a provoqué Beck il y a maintenant douze ans. A cette époque, quelques individualités sont en effet arrivées en même temps pour secouer une musique populaire qui s’encroutait. On peut citer pêle-mêle le trip-hop de Bristol (Massive Attack ou Portishead) ou ce retour de l’esprit punk nihiliste emmené par Nirvana. Donc, arrivé de nulle part et sans prévenir, le single Looser, tube interplanétaire emmenait un album vraiment déconcertant, livrant de bonnes chansons avec des mélanges parfois improbables, comme l’entrechoquement de cent ans de musique américaine. Mellow Gold est devenu un classique, mais garde une vraie vigueur encore aujourd’hui. Redécouvrez-le. Depuis, Beck est depuis un modèle et plus aucun mélange n’est tabou ou inenvisageable. Et depuis lors ? Il a accumulé les albums, du plus purement folk au plus foutraque. Les titres marquants se sont accumulés au hasard des parutions. Il suffit d’assister à un concert pour s’en rendre compte. On ne s’ennuie jamais avec lui et le répertoire est vraiment des plus solides.

Que dire de cet album dès lors ? Que c’est du Beck tout craché d’abord. Que c’est le premier intégralement bon depuis longtemps. La production a été confiée à Nigel Goodrich, une des références de ce temps puisqu’il tient les rênes aussi bien des albums de Air (dont l’album avec Charlotte Gainsbourg) que des indispensables Radiohead. Cet homme a en tout cas réussi à faire reprendre à Beck sa veine plus ’hip-hop’. Entre guillemets puisque le flow de Beck ne ressemble à aucun autre. Nonchalante d’apparence, cette musique est d’une redoutable efficacité. Aucune rythmique n’est lâche ou décousue, c’est une vraie machine à délassement. D’un bout à l’autre, pouvant user de clavier pour créer un groove unique (Strange Apparition), ou de sons de guitare plus débraillés (No Complaints). Les climats varient aussi un peu, du plus paresseux au plus haché (We Dance Alone). Le tout, comme toujours, est exécuté avec une facilité apparente bluffante. Lui seul peut incorporer de l’harmonica sans jamais sonner country ou à côté.

S’il n’est plus révolutionnaire, Beck a toujours du talent. Il semble s’en être souvenu mais surtout s’être appliqué. Il en résulte un album écoutable d’un bout à l’autre. Donc si vous avez passé votre tour de Beck depuis quelques années, c’est une fort belle occasion de renouer avec le Californien le plus cool de la planète.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Peritelle - l’Ampleur des Dégâts

    Alors que les dossiers de presse font état d’un album qui n’existe que dans la tête de ceux qui le défendent, il est difficile de faire mieux que Un album de la presque-maturité où la mélancolie succède presque au second degré... Cela risque d’en faire pleurer plus d’un·e !
    Cette laconique présentation met le doigt sur ce qui fait la spécificité de Peritelle, ’presque’. Parce que c’est dans ces (...)

  • Glauque – Les Gens Passent Le Temps Reste

    Pendant plusieurs années, on a pris l’habitude de croiser des morceaux de Glauque, à un tel point qu’on était persuadés que ce premier album n’en était pas un. Mais entre recevoir un morceau percutant de temps en temps et enchainer autant d’upercuts d’un coup, il y a tout de même une fameuse marge.
    Evidemment, le champ lexical de la boxe n’est pas facile à éviter ici. ‘Album coup-de-poing’ est un (...)

  • FUCTAPE - FUCTAPE

    Au moment d’aborder un album, on est parfois submergés par les informations, les intentions et les comparaisons aussi élogieuses que non pertinentes. Le collectif de Toronto (une vingtaine de membres quand même) ne suit décidément pas cette tendance tant il est compliqué de savoir qui fait quoi, voire qui en fait partie tout court. C’est sans doute voulu et cohérent avec le forcément un peu disparate (...)

  • run Sofa - The Joy of Missing Out

    On ne peut pas dire qu’en tant que ville industrielle, Charleroi nous ait livré autant de frissons musicaux que, disons Sheffield ou Manchester. Et si ça changeait ? On n’en sait rien mais un environnement pareil peut aussi être stimulant comme peut le prouver le groupe du jour, distribué par les Liégeois de Jaune Orange montre une belle vitalité.
    L’immédiateté, les avis rapides et tranchés, c’est (...)

  • HEALTH - RAT WARS

    Même après des années passées à autre chose (des musiques de film, des versions disco), la puissance de feu d’HEALTH a laissé une trace manifeste. Mais il a fallu un rabatteur de qualité pour qu’on ne passe pas à côté de cet album. Le souvenir bien qu’ancien était toujours cuisant et on retrouve le trio avec un plaisir certain.
    Ils ont collaboré avec Nine Inch Nails ou Xiu Xiu et ces cousinages semblent (...)

  • Beirut – Hadsel

    Bien honnêtement, quand on a découvert Beirut en 2006, on ne se doutait pas qu’on allait suivre le jeune Zach Condon pendant plus de 17 ans. Cette musique fortement influencée par les fanfares balkaniques a suscité d’emblée l’intérêt mais le procédé semblait trop étriqué pour s’inscrire dans la longueur. On avait tort, forcément, et ceci en est un nouveau rappel.
    En première écoute, ce Hadsel est plutôt en (...)

  • Animal Collective – Isn’t It Now ?

    A une époque où la modernité n’est plus une vertu cardinale, il peut être étonnant de retrouver cette conjonction de talents (Avey Tare, Panda Bear, Deakin et Geologist) aussi en forme après près d’un quart de siècle d’existence. Avec Time Skiffs, on pouvait clairement parler d’une nouvelle période pour le groupe, un revirement vers plus de musique ‘figurative’ par opposition aux brillants collages (...)

  • Caleb Nichols - Let’s Look Back

    L’artiste qui aura fait le plus parler de lui en 16 mois est un prix qui ne rapporte rien sinon des critiques multiples et sans doute un peu de confusion de la part d’un lectorat débordé. Bref, après avoir pris congé de Soft People, l’actif Caleb nous a donné un album un opéra rock Beatles queer puis deux EP qui mélangeaient chansons et poèmes autour du personnage semi-autobiographique de Chantal. Sa (...)