samedi 17 février 2007, par
Il y a mieux et c’est pas plus cher
On n’avait pas vu venir Carla Bruni. Quand elle a sorti son premier album en 2002, Quelqu’un m’a dit, on avait tous l’image d’un mannequin de seconde division, puisque ses paroles pour Julien Clerc étaient passées un peu inaperçues (c’est pas sa faute après tout si on n’écoute pas Julien Clerc). La surprise a été bonne pour beaucoup de monde, à en juger par le succès francophone incontestable. On peut parler d’une des reconversions les plus réussies. Sur cet album, sec et porté par sa voix singulière, elle s’appropriait une façon bien à elle de chanter en français. Produit par l’ancien Téléphone Louis Bertignac, il tombait bien et au bon moment. Ses paroles sensuelles, gentiment décalées, ont fait mouche tout de suite.
Cinq ans plus tard, elle revient avec un projet dont elle parle depuis longtemps : mettre en musique ses poèmes préférés. Première constatation, sa culture est indéniable et les choix de Dorothy Parker, Emily Dickinson ou William B. Yeats sont judicieux. On peut sans doute dire que ça risque de lui faire perdre une partie de sa clientèle française mais la but d’une riche héritière n’est sans doute pas là.
Elle sait composer des morceaux bien balancés, l’écriture est fine, la mise en musique est réussie. Carla Bruni a du talent, ça se confirme. Mais ça ne suffit pas à rendre cet album intéressant. Tout d’abord, chanter en anglais (impossible de la prendre pour une anglophone) la met en face de beaucoup plus consistant qu’elle. Quand elle a déboulé en même temps que plusieurs artistes (on a parlé de ‘nouvelle chanson française’ comme tous les dix ans...), elle avait pour elle une simplicité et des texte bien troussés en plus d’une sensualité indéniable. Cinq ans ont passé, c’est-à-dire une éternité. Et à un niveau plus large géographiquement, il y a eu émergence de tellement de talents folk féminins que ceci paraît un peu léger.
Il faut être clair, ce site traite de musique qu’on appelle indépendante faute de mieux. Les critères d’écoute, nos goûts, se sont affinés au fil des ans et de la quantité d’albums qu’on écoute. Je ne pense pas être dans le cœur de cible de cet album. Mais plutôt qu’essayer de deviner à qui il s’adresse précisément, je vais vous livrer ce que j’en pense face à la dizaine d’albums qui me charment bien plus.
Si cet album devait seulement exister pour prouver le talent de Carla Bruni, c’est une mission accomplie. On n’a jamais l’impression que la musique n’a pas été faite pour les textes. Une des limitations est que tout ceci manque de la plus élémentaire originalité. Mais le pire n’est pas là. La production porte une lourde responsabilité. Louis Bertignac, qui la signe, est décidément un peu frileux. Il tombe dans les d’un blues adulte (dans l’acception la plus aseptisée du terme). C’est manifeste sur Before The World Was made. Le chorus est quand même un peu indigeste. On a même droit à un solo délicieusement suranné (ringard est un synonyme en l’occurrence) sur If You Were Coming In The Fall ou Afternoon. C’est ça qui est le plus ennuyeux avec cet album. On écoute, mais tout glisse littéralement dans l’oreille. Même la gentille Sophie Zelmani (elle devient quoi, d’ailleurs ?) était plus trash. D’ailleurs, dès qu’un morceau est plus dépouillé (Lady Weeping At The Crossroads) je suis plus client.
Qu’on ne se méprenne pas, je ne souhaite pas que Carla fasse dans le poisseux, devienne moche comme Jana Hunter, mais la recherche du joli déforce cet album. Sur le dernier morceau, At Least The Secret Is Out, on pense directement à Mazzy Star. Bien, sauf que Hope Sandoval est une chanteuse habitée, émouvante, et navigue à cent coudées au-dessus. C’est le seul moment où une comparaison directe est possible. Mais pour le reste, quand on connaît Emiliana Torrini, Feist, Kelly DeMarino, Marissa Nadler ou Basia Bulat, on trouve tout ceci un peu fade. Ce n’est pas du snobisme mal placé, mais quand on est habitué à de la musique qui donne des émotions, on est un peu frustré. Vous avez donc compris que Carla Bruni ne navigue pas dans ces eaux-là. Mais encore une fois, je ne pense pas que ce soit le but de rivaliser sur ce terrain-là, même si sa voix assez personnelle conviendrait bien à plus d’audace. Je n’arriverai pas à m’acharner sur ce No Promisses de toute façon. L’écouter ne m’a jamais été pénible. Tout juste ai-je souri à l’écoute de certains passages musicaux kitsch. C’est la musique idéale pour prendre de la tisane, quand les autres filles citées encourageraient plutôt à boire la cigüe.
Cet album, même après plusieurs écoutes, n’arrive pas à lasser. Ni à séduire non plus. A part la voix impossible à confondre, il s’agit de country-folk de série, tel qu’il s’en enregistre toutes les heures et demie dans le Tennessee. C’est de la musique scientifiquement calibrée pour passer en fond sonore. Sachez donc en profiter connaissant cette posologie. Loin d’être nocif, cet album n’arrive pas à m’inspirer le moindre sentiment. Même pas l’ennui. Il faudra sans doute que Carla Bruni prenne plus de risques dans le futur pour que son talent qui n’est plus contestable puisse enfin produire des chansons à sa mesure.
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