jeudi 19 avril 2007, par
Le folk, ça ne devrait pas grandir
Quand un groupe reste sur deux albums studios très différents, sortis en même temps et fort réussis (I’m Awake, It’s Morning qui comportait quelques-unes des chansons folk récentes les plus réussies et le plus expérimental Digital Ash For The Digital Urn) puis un live de bonne facture (Motion Sickness), l’attente est assez grande, c’est normal. C’est ce qui explique qu’un album pas mauvais me laisse des sentiments fort mitigés. Comme je n’ai pas envie de prendre une opinion tranchée à pile ou face, je me vois dans l’obligation d’argumenter. Ca tombe bien, c’est un peu l’objet de ce site.
Maintenant, Bright Eyes, ce n’est plus seulement Conor Oberst, mais aussi officiellement ses accompagnateurs de presque toujours. Mais il reste la personnalité derrière la composition et surtout l’écriture qui est une des plus fines écritures du moment, donc de celles qui mettent le plus simplement des sentiments dans une expression forte (et simple). Certains ont fait à Conor Oberst la pire vacherie : l’introniser « nouveau Bob Dylan ». En 2007, c’est vraiment un cadeau empoisonné. Maintenant qu’il semble privilégier la clarté dans ses textes, on gagne en révolte obligatoire le mystère qu’on avait naguère. Restent des saillies réjouissantes (The Bible’s blind, the Torah’s deaf, the Qur’an’s mute/If you burned them all together you’d get close to the truth sur Four Winds)
Ce qui frappe d’emblée, c’est l’ampleur des compositions et des arrangements. Mais ce n’est pas uniformément convaincant. Je ne suis pas un fan de slide-guitar, instrument qui est utilisé presque partout. Elle fait en tous cas entrer la musique dans une sphère ‘adulte’ pas du meilleur goût. La présence presque systématique ainsi que d’orgue rend le tout assez compact mais aussi moins aventureux. En tous cas, hors des Etats-Unis ça va devenir plus difficile à défendre. Il essaie parfois de faire la synthèse des deux dernières réalisations studio. Mais la sauce ne prend pas toujours. C’est presque un pas en arrière pour ceux qui avaient espéré avec Digital Ash For The Digital Urn un renouvellement. Est-ce trop sirupeux ? Chacun jugera mais Make A Plan To Love Me est un peu au-delà de mes goûts. De même, Hot Knife peut sembler émouvant si on est bien disposé mais à aucun moment je n’ai trouvé ça digeste. Peut-être dans un quart d’heure américain s’il existait encore. En temps normal, c’est juste du cholestérol à l’état brut. « Evoluer » implique-t-il des surcharges pondérales comme Classic Cars ?
Mais tout n’est pas noir, le talent de mélodiste est toujours exceptionnel et une bonne partie de ce Cassadaga est touchée par la grâce. Par exemple, les orchestrations plus typiquement folk (comme celles qu’on retrouvait sur l’album d’hommage de Bruce Springsteen à Pete Seeger font toujours mouche. A cet égard, Four Winds, Middelman (dont la partie instrumentale est soufflante) ou le classique (dans son chef) Everything Must Belong Somewhere ne méritent que des éloges. Au rayon des réussites, citons aussi No One Would Riot For Less qui reprend avec succès quelques pistes de Digital Ash For The Digital Urn et le somptueux final The Lime Tree, où il s’épanche de façon plus figurative qu’à l’accoutumée. Car c’est dans le registre plus politique qu’il a un peu faibli, surtout si on prend comme référence le brûlot When The President Talks To God.
En tous cas, c’est une preuve supplémentaire que les albums de plus d’une heure ont plus de mal à assurer que ceux qui ne font que 40-45 minutes. C’est paradoxal de se dire qu’un album plus court aurait été meilleur. Ne vous perdez pas en route, la fin est meilleure que la traversée du milieu d’album plus convenue.
C’est au total un album sympatoche mais on espère bien plus de Bright Eyes. Ce type n’a que 27 ans et déjà une carrière derrière lui. Après avoir défini dans un passé récent deux pistes, il s’en choisit encore une troisième, plus susceptible d’élargir son public mais qui souffre de trop de lourdeurs pour emporter le morceau. Ce talent-là mérite moins de complaisance.
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