Accueil > Critiques > 2008

El Guincho - Alegranza

mardi 12 août 2008, par marc

Luminothérapie


Sincèrement, je ne me souviens pas avoir parlé du moindre artiste espagnol dans ces colonnes. Voilà, ce vide sidéral est comblé. Evidemment, il est décevant de devoir recourir comme tout le monde à la comparaison qui veut que pour se faire une vague idée, El guincho serait unPanda Bear tropical. Je l’ai lu plein de fois mais c’est pertinent donc je vais faire comme tout le monde. Il est curieux de remarquer que d’ailleurs l’Américain Noah Lennox (Panda Bear) vit principalement dans la péninsule ibérique (au Portugal) et y a enregistré son album. Pablo Díaz-Reixa (la vraie personne derrière le nom) pratique donc le collage, la boucle, la répétition à l’envi, la noyade de voix, comme plusieurs autres de nos jours.

Dans notre trop grande famille de la musique de drogués, El Guincho est le cousin lointain, celui qui vient de loin avec le sourire avec son matos méconnu. C’est qu’au lieu du folk et du gospel, voire des vocalises à tendance Beach Boys, il brasse de la musique tropicale, de la rumba, des chants d’enfants (Buenos Matrimonios ahi afuera). Et si finalement c’était ça la vraie world music, la réinterprétation pas opportuniste (un contre-exemple serait la resucée qu’a faite Moby en son temps de l’américana pour en faire de la bouillie variétoche) du patrimoine musical mondial ? Certes, toutes les musiques ne résisteraient pas à ces tripatouillages (les musiques à texte ou trop violentes) mais qu’est-ce que ça donne dans le cas qui nous occupe ?

Eh bien c’est souvent entêtant. Antillas mêle un riff qui reste imperturbable et la voix noyée apporte la mélodie. C’est très stimulant en tous cas, même si le peu de variation ne tient pas le cap des cinq minutes allègrement franchi ici. Certes, elles semblent faciles les mélopées de Kalise, mais elles frappent juste. Et la liste des réussites n’est pas courte. Il faut du talent pour ne pas lasser ou vriller les oreilles, les deux écueils de toute musique aventureuse. Autant ne pas vous le cacher, l’infernale sarabande m’a presque toujours perdu en chemin, vers Costa Paraiso. Je trouve en effet un peu éreintante cette enfilade d’incantations dansantes. Un coup de soleil du à une exposition prolongée si vous voulez. Mais bon, libre à vous de vous faire votre propre sélection. Le plaisir de l’auditeur doit être seul juge.

Moins abouti que Panda Bear et moins formellement formidable qu’Animal Collective, El Guincho a le mérite d’être seul dans sa niche et de faire sa tambouille de son avec un beau discernement. Vos épaules vont bouger sans faute, et un sourire naitra au coin des lèvres. Partant d’un genre aussi complexe et pointu, des effets secondaires comme ça n’ont pas de prix. Veuillez cependant ne pas dépasser la dose prescrite.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

2 Messages

  • El Guincho - Alegranza 12 août 2008 20:59, par olivier s

    Hé là !! "Le Panda Bear tropical" c’est ma formule ça... Ca m’est venu à l’esprit lors de son incendiaire concert au Primavera Sound. Vraiment dommage qu’il aie annulé sa prestation au Pukkelpop. Snif

    repondre message

    • El Guincho - Alegranza 13 août 2008 09:00, par Marc

      Oui, tu peux fièrement le revendiquer. C’est même suite à ça que je m’étais procuré l’album. Ceci dit, si tu tapes "El Guincho Panda Bear" dans google, la pêche est généreuse. Dommage pour le Pukkel en effet. Mais on aura l’occasion de se consoler je pense. Bon festival !

      repondre message

  • Rufus Wainwright – Folkocracy

    S’il n’est pas immédiatement associé à une scène folk historique, le pédigrée de Rufus Wainwright ne laisse pas de doute. Il est le fils de Loudon Wainwright III et Kate McGarrigle (chanteurs folk proches de la scène de Laurel Canyon) après tout et tant qu’à rester en famille ses sœurs Lucy et Martha sont là, sa tante Anna McGarrigle aussi. Mais ce n’est pas vraiment un album familial pour autant, il y a (...)

  • Clara Engel – Sanguinaria

    Oui, Clara Engel nous revient déjà. Mais c’est surtout parce qu’il nous avait fallu du temps pour faire le tour de Their Invisible Hands. On connait maintenant l’univers de l’artiste canadienne et on se sent tout de suite chez nous. Eloge de la lenteur, du recueillement, il pousse à la contemplation et à reprendre le contrôle du temps. Donc il faut aussi la bonne disposition. Tout comme on n’entre pas (...)

  • Dan San - Grand Salon

    On ne va pas se mentir, il faut une petite adaptation à l’entame de ce nouvel album de Dan San. Eux qu’on avait vu évoluer d’un folk ample à un folk puissant avant d’incorporer des éléments plus psychédéliques. La trajectoire vers toujours plus de légèreté ne sera pas infléchie par ce troisième album.
    Les voix ne sont plus aussi typées, même si elles poussent encore parfois à l’unisson. On pense même (...)

  • Feist - Multitudes

    On n’a qu’une chance de faire une première bonne impression. C’est via un album soyeux qu’on écoute encore beaucoup 20 ans après qu’on a fait connaissance du talent tellement attachant de Leslie Feist et on n’a jamais décroché parce qu’elle ne nous a jamais déçus non plus.
    On n’a qu’une chance de faire une première bonne impression. Et c’est avec le délicieusement psychédélique In Lightning qu’elle revient (...)