Accueil > Critiques > 2008

Frida Hyvönen - Silence Is Wild

mercredi 26 novembre 2008, par marc

Frida s’en prend cinq (d’étoiles)


« This girl has issues with life ». C’est ainsi que la personne chez qui j’avais oublié le premier album de Frida Hyvönen a ressenti Until Death Comes. C’est qu’une prestation en concert de premier plan entre Au Revoir Simone et Under Byen (heureuse soirée) m’avait convaincu de me procurer la preuve enregistrée du talent de cette femme qui manipulait le piano avec justesse et simplicité et l’humour corrosif avec une belle santé mélancolique. Pour tout qui n’a pas peur de se frotter à la langue de Bob Dylan, c’est une découverte à faire.

On peut constater d’ailleurs que vient de Suède une vraie vitalité créative. Car de ce vigoureux pays proviennent des talents très variés mais dans le cas qui nous occupe, de jeunes femmes qui savent mettre en mots (et dans un anglais crédible) la solitude de nos années. On pense donc à cette Frida mais aussi à Sarah Assbring (El Perro Del Mar) ou encore Josephine Olausson (Love Is All). C’est ça une des formes les plus enthousiasmantes du girl power, une affirmation de talents donnant un point de vue fort et féminin sur les choses.

Après les premiers titres on a un peu peur d’une surenchère (Enemy Within) sans avoir la grâce sixties d’un El Perro Del Mar. Mais cette crainte s’estompe vite. Sans doute le passage d’un accompagnement (souvent un piano sue le premier court album) à quelque chose de plus fouillé donne une impression de banalisation. Et puis au fur et à mesure de l’écoute les subtilités se révèlent. Le début est en effet plus conventionnel (tout est relatif évidemment), comme pour habituer l’auditeur à ce qui l’attendra puisque les chansons les plus formidables sont au fond de l’album (Sic Transit Gloria et Oh Shangai). Pour faire un grand album, il faut de grandes chansons. Et si elles n’émargent pas toutes à cette glorieuse catégorie, il y a pas mal de candidates. Sic Transit Gloria donc est un de ces grands moments. Une mélodie superbe, un ton désenchanté, un riff de violon, une sensation de besoin viscéral de chanter pour sauver sa vie et pas pour tromper l’ennui. Oh Shangai quant à elle présente une mélodie un peu inspirée par les clichés chinois. C’est ce qui la rend très prenante d’un premier abord mais un peu plus conventionnelle.

Même quand c’est très classique (London !), la mélodie est belle. Notons qu’elle a gardé cette étrange habitude de s’adresser à des villes. Après New York, ce sont Londres et Shanghai qui sont ses interlocutrices. Les autres sujets peuvent aussi bien être l’avortement (ce n’est que suggéré) pas glauque pour un sou mais à hauteur de femme (December) ou le retour d’un amour d’enfance (Dirty Dancing). Mais il y a aussi une part d’amour vache (Why Do You Love Me So Much) et de mélancolie tenace (Will you be the dad of the kids I most likely won’t have sur My Cousin). Hébergée par le label au nom savoureux de Secretly Canadian (Anthony And The Jonsons, Bodies Of Water) appartient à cette famille d’artistes qu’on pourrait se contenter de lire.

Pour ceux qui aiment se trémousser, Scandinavian Blonde sera leur seule occasion. Car on est souvent plus proche du slow (Science, Pony) que du déhanché sauvage. Les morceaux lents qui ont des caisses claires sont moins intéressants que ceux qui n’en ont pas.

Voilà, je peux entrer en résonance avec cette musique. Ce n’est pas toujours explicable. Des critiques musicales, ce sont des questions de ressenti. Je comprendrais que vous trouviez ça un peu conventionnel. Ce n’est pas important. Ce qui serait dommage, ce serait de passer à côté si vous pouviez être sensible à ça.

Il y a dans ma pile une série d’albums. Souvent bons, tous dignes d’intérêt mais leur nombre ne se justifie que parce qu’on espère retrouver l’étincelle qui nous fera oublier tout le reste. Vous l’avez compris, cette catégorie comprend ce Silence Is Wild. Car c’est dans la catégorie des songwriters d’exception qu’il faut classer Frida Hyvönen. Oui, rien que ça. La force de son observation et son humour non débrayable touchent inévitablement. De plus, elle pose sa voix et ses paroles sur des chansons qui n’en avaient même pas besoin pour être très bonnes. Autant dire que la combinaison est mon conseil du moment.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

1 Message

  • Frida Hyvönen - Silence Is Wild 9 mai 2009 09:45, par mmarsupilami

    Ben voilà, j’étais passé complètement à côté de celui-ci. C’est ça le plaisir de découvrir de nouveaux sites et donc de nouvelles listes et autres "Top of the Pop".

    Je conserve une préférence pour El Perro Del Mar. Mais, bon, je sais pourquoi. L’ambiance et l’orchestration de celui-ci sont beaucoup moins dans mon rayon que les références de Sarah Assbring.

    Ce qui est fascinant dans cet album est que Frida Hyvönen est continuellement au bord du précipice du gros bonbon hollywoodien, du piano et des violons dégoulinants. Et, jamais, elle ne trébuche et ne chûte dans le "too much". Belle maîtrise dans laquelle on croit percevoir une touche d’humour...

    Merci pour la recommandation, en tout cas.

    Comme tout le catalogue de Secretly Canadians, cet album est disponible sur emusic, le site des labels alternatifs, trop ignoré chez nous. A trente cents d’euro la chanson ! Ca vaut la peine d’être parfois rappelé : il est possible de downloader légalement sur internet sans passer sous les fourches caudines du racket...

    C’était mon quart d’heure de pub gratuite.

    Voir en ligne : L’album sur emusic

    repondre message

  • Ella Ronen – The Girl With No Skin

    Fuck Cute/I’m Tired of Cute/Cute has never served me
    Il ne faut pas se laisser tromper par la délicatesse d’Ella Ronen. Si on est séduit d’emblée par les plaisirs doux qui ne sont pas sans rappeler ceux de Marie Modiano (référence ancienne on en convient...), la jolie voix propose une écriture plus profonde, sans doute parce qu’elle repose sur un substrat qui a son content de drames.
    Une des (...)

  • Tomasso Varisco – These Gloves

    Les amis de nos amis (même récents) deviennent bien vite nos amis. En découvrant Stella Burns il y a peu, on ne savait pas que d’autres artistes se cachaient derrière comme Tommaso Varisco auquel Stella Burns prête ici main forte. Si ceci est moins marqué par l’americana mais c’est évidemment ce genre de terreau qui l’inspire. On est donc invités dans un road trip. Mais pas sur la route 66, ce périple (...)

  • Stella Burns - Long Walks in the Dark

    L’influence culturelle des Etats-Unis est telle que même les plus endémiques de ses expressions sont reprises partout dans le monde. Le cas de l’Americana est assez typique, on en retrouve des partisans tout autour du globe et c’est d’Italie que provient celui-ci, nommé Gianluca Maria Sorace mais officiant sous le nom de Stella Burns.
    Sa voix est belle et claire et reçoit aussi le renfort de Mick (...)

  • Harp - Albion

    Si le nom de Harp n’a jamais été évoqué ici, on connait bien l’instigateur de ce projet qui n’est autre que Tim Smith. Lui qui fut jusqu’au sublime The Courage of Others chanteur de Midlake a en effet quitté le groupe de Denton, Texas depuis belle lurette pour se lancer sur un autre chemin, accompagné de son épouse.
    Cette division cellulaire est un peu semblable à celle de Menomena qui a continué sa (...)

  • Josefin Runsteen - HANA Three bodies (Original Soundtrack)

    Même si on n’est pas exactement un service public, un peu de gai savoir s’impose parfois. Le Butoh est une danse de performance minimaliste créée au Japon en 1959. La danseuse suédoise Frauke a donc demandé à sa compatriote Josefin Runsteen de créer une bande-son pour une performance et c’est ce qui constitue l’objet musical du jour.
    La lisière entre les musiques électronique et classique est (...)

  • Annika and the Forest - Même la Nuit

    On l’avoue, un talent féminin éclectique et un peu électronique, c’est quelque chose qui nous plait. On peut penser à Bat For Lashes, Harrys Gym, Jeanne Added, Odd Beholder ou autres et on ajoutera donc la Suédoise Annika Grill et son troisième album.
    On est d’emblée mis à l’aise par un petit air de Metric dans leurs moments les plus gorgés de beats et de guitares combinées (Thinking Crazy). On (...)

  • Frida Hyvönen - Dream of Independance

    Ce n’est pas parce qu’une artiste nous a marqués fortement qu’elle ne peut pas échapper momentanément à notre radar. Ils faut dire que si certaines de ses productions plus récentes que son album d’il y a 9 ans ne se sont pas signalées, c’est aussi parce qu’elles étaient chantées en Suédois. Et puis la toute dernière fois qu’on l’avait aperçue, c’était aux côtés de First Aid Kit pour une soirée hommage à (...)

  • First Aid Kit - Ruins

    Elles en ont fait du chemin, les Suédoises de First Aid Kit. Il y a un peu plus de 8 ans, on les découvrait dans une petite Rotonde en ouverture de Megafaun et Port O’Brien et maintenant elles jouent à guichets fermés après une expatriation réussie aux Etats-Unis. La recette marche donc et les sœurs Klara et Johanna Söderberg n’ont visiblement pas l’intention de la changer. Deux voix à l’unisson, des (...)