Accueil > Critiques > 2008

The Walkmen - You & Me

mercredi 17 décembre 2008, par marc

Les affinités électives


Pour les gens vraiment sérieux, les classements de fin d’année sont bouclés. Pas pour moi, ce qui me permet de passer un mois de décembre à profiter le leurs choix éclairés. Les Walkmen figurent donc dans les albums qui ont marqué la blogosphère (cette masse organique à l’enthousiasme auto-entretenu) et j’ai tenté de savoir pourquoi.

Et j’ai partiellement compris. Parce que l’univers des ces New-Yorkais (puits sans fond que cette ville mais je ne vous apprends rien) est assez peu original de prime abord avant de révéler son charme. C’est encore un exemple flagrant de pop paradoxale, à base de ce qui pourrait faire du garage mais est tournée vers une intensité supérieure. Sans avoir l’air d’y toucher, voilà une collection de morceaux qu’on se surprend à avoir adopté presque malgré soi après quelques écoutes. La production pas clinquante est plus fouillée qu’on pourrait le penser. Tous les sons sont un peu vintage mais la volonté n’est pas lo-fi. L’équilibre doit être subtil pour que les roulements de batterie ne soient pas tape-à-l’œil mais renforcent le propos. En tous cas, c’est un exercice appliqué de son indie, plus roublard qu’il n’y parait.

Niveau ingrédients, on a des morceaux sur fond de cuivres (Red Moon) qui tirent de leur apparente simplicité une efficacité certaine. D’une part parce que l’aspect mélodique n’est jamais éludé. Ensuite parce que l’interprétation est habitée. D’ailleurs, la nonchalance dans la voix et la simplicité d’un riff de guitare renvoient à Pete Doherty et ses différentes formations (Libertines et Babyshambles), voire certains de leurs successeurs (Arctic Monkeys). Mais ne vous y trompez pas, vous ne trouverez ici nulle trace de quelconque dansabilité. Le but est la chanson elle-même, pas son usage éventuel. Tant que j’en suis à trouver des références au chausse-pied, on a entendu ce punk-folk-rock minimaliste et énervé chez Two Gallants (If Only It Were True). On traine quand même moins dans les clichés de mauvais garçons que les Californiens.

Mais on n’est pas à l’abri de soudains soubresauts (Donde Esta La Playa). Il y a bien occasionnellement de l’orgue et de la batterie (In The New Year) et c’est plutôt bon. Mais c’est cette guitare si particulière qui est le fonds de commerce. On peut vérifier sur Colbert qu’un seul riff de guitare peut meubler un morceau. Et quand elles rugissent plus, ça reste intéressant (Postcards From Tiny Islands) mais une guitare électrique qui fait des arpèges suffit souvent amplement. Canadian Girl a un son de six-cordes très particulier, très saturé, un peu comme manipulé par un ingé-son distrait. Mais le résultat est probant, même si le morceau ne sera pas inoubliable.

C’est aussi sans doute le seul point faible de ce You & Me. Presque tous les morceaux fonctionnent de façon individuelle, et tout est cohérent, mais 14 (bons, on le rappelle) titres de ce tonneau se déforcent parfois mutuellement. Bien honnêtement, cet album comporte zéro faute de goût, est inspiré mais manque pour moi du morceau transcendant sur lequel on revient sans cesse. C’est ce qui rend l’écoute de ce bon album un peu uniforme. Ceci dit, j’ai bien succombé à On The Water et ses plongées en intensité. Pour le reste, c’est plus attachant que vraiment touchant.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

6 Messages

  • The Walkmen - You & Me 17 décembre 2008 19:33, par robin

    manque pour moi du morceau transcendant sur lequel on revient sans cesse

    Quand on a écrit The Rat, on est assuré de ce côté là pour 4 ans non ?

    Pour ceux qui les ont raté les Walkmen à l’ab, il y a un enregistrement de leur concert à Amsterdam, ça a l’air assez phénoménal.

    repondre message

    • The Walkmen - You & Me 17 décembre 2008 22:07, par marc

      Rhooo oui, j’ai découvert ça ce week-end (je ne retrouve plus sur quel blog d’ailleurs). Quelle claque. Le dernier album ne ressemble en rien à ce morceau ceci dit.

      Merci pour le lien vers le concert, j’avais entendu du bien de leurs prestations...

      repondre message

    • The Walkmen - You & Me 19 décembre 2008 23:24

      Effectivement, c’est des plus efficace.
      Dommage alors qu’apparemment cet album ne soit pas sur la lancée.
      Merci aussi pour le lien.

      repondre message

  • The Walkmen - You & Me 18 décembre 2008 23:01, par ToX

    Je suis tombé assez tard sur celui-ci aussi. Bien que l’écoute soit agréable, je n’y ai rien trouvé de vraiment marquant. C’est beau, c’est homogène mais rien qui en se détache maintenant.
    En lisant ta chronique, je suis assez surpris que tu n’ais pas relevé une grande ressemblance aux Cold War Kids... en tout cas, moi, ça m’y fait beaucoup penser.

    Une bonne fin d’année ;)

    repondre message

    • The Walkmen - You & Me 18 décembre 2008 23:40, par Marc

      J’ai un peu eu le même sentiment mitigé que toi. Pour ce qui est des Cold War Kids, je dois en connaitre trois morceaux à tout casser, ce qui m’a fait passer à côté de la ressemblance...

      Bonnes fêtes à toi aussi !

      repondre message

  • Eilis Frawley - Fall Forward

    Certains albums résistent. Non pas à l’écoute, celui-ci nous accompagne depuis trois mois. Mais à l’analyse. Leur fluidité n’aide pas le critique. Mais sera appréciée par l’auditeur, on vous le garantit. Eilis Frawley est une batteuse à la base, notamment au sein de Kara Delik dont on vous reparle prochainement. C’est manifeste au détour de morceaux comme People qui s’articule autour de cette (…)

  • Ventura - Superheld

    C’est sans doute une contradiction, mais on peut conserver un excellent souvenir d’un album ancien tout en confessant avoir loupé ses successeurs. Heureusement, le hasard (et les distributeurs) sont là pour nous remettre sur le droit chemin. Issu d’une scène suisse dont on ne cesse de (re)découvrir la profondeur, ce groupe de Lausanne nous offre une nouvelle expérience sonore.
    On avait (…)

  • Gina Eté - Prosopagnosia

    How come you, too, assume your opinion counts ?
    Si cette phrase eut être rude si elle est adressée à un critique du dimanche comme votre serviteur, il prend une autre dimension quand il traite du droit des femmes à disposer de leur corps. Parce que chez la Suissesse Gina Eté, le fond est consubstantiel de la forme. Et cette forme prend encore de la hauteur après un premier EP et un album qui (…)

  • Daydream Three – Stop Making Noise

    ‘Si ça va trop vite ou trop fort, c’est que vous êtes trop vieux.’
    C’est ce que veut l’adage et l’Italien Enzo Pepi a décidé de le prendre à contrepied, intitulant son album d’une réflexion souvent entendue. Mais on se doute qu’on lui fasse encore la remarque. Surtout que de fureur il n’est finalement pas question ici. Ce vétéran italien de la scène rock/noise utilise la distorsion, certes, (…)