Accueil > Critiques > 2009

HEALTH - Get Color

vendredi 11 septembre 2009, par marc

Même pas mal !


On vous l’a déjà dit, il y a beaucoup de très jeunes réhabiliteurs du bruit sous toutes ses formes. De l’art-punk de Wavves mâtiné d’exotisme chez Abe Vigoda au noise-wave d’A Place To Bury Strangers, de la dream-pop furieuse de The Pains Of Being Pure At Heart au punk paradoxal de No Age et Vivan Girls en passant par les éructations de Mi Ami, il semble que l’énergie peut aussi prendre des formes plus expérimentales et quand même livrer des résultats convaincants.

Mais les plus ‘loin dans leur tête’ ce sont eux, Health. On avait déjà pu s’en rendre compte lors de leur court mais très dense passage au Domino Festival de l’Ancienne Belgique. On a eu une cinglante confirmation au Pukkelpop. La surprise était de taille pour ceux qui comme moi avaient zappé le premier album et sa déclinaison électronique et accolaient leur nom à ceux de Crystal Castles à cause de leur collaboration sur le très bon Crimewaves

Autant vous prévenir tout de suite, se frotter à HEALTH c’est courir le risque de se voir bousculer hors de sa zone de confort. Les sons de guitare vraiment ébouriffants, comme chez A Place To Bury Strangers, mais utilisés de façon moins académique agissent comme des piqures de rappel, qui nous serinent qu’on se laisse engourdir parfois. Il ne leur faut pas grand’ chose, une batterie qui cogne méthodiquement, un riff, des voix célestes (la voix de tête du chanteur en fait), et c’est tout. C’est là-dessus qu’est bâti leur premier single Die Slow

Comme en concert, les morceaux s’enchainent sans temps mort, sans le moindre répit ou repos. C’est plus exigeant, certes, mais impressionnant. D’ailleurs, les tout premiers instants sont déjà furieux. Ils ne prennent pas le temps de vérifier que vous êtes confortablement assis. Un We Are Water éclate littéralement. Puis ils nous laissent fatigués après la bataille sur un In Violent qui est tout en violence vraiment contenue. Des groupes comme Deerhunter (ou Atlas Sound) peuvent aussi mêler un ambient noisy avec une vraie énergie. Ceci est plus opaque d’accès aussi je le concède, plus frontalement furieux aussi parfois.

Non, Eat Flesh ou Death + ne sont pas jolis. Et ils sont même éreintants si vous voulez mon avis. Ils ne servent qu’à mesurer cet espace si mince entre ce qui marche et ce qui ne marche pas. Est-ce le snobisme qui nous le fait supporter ? Non, on ne peut pas s’infliger ça si on ne sent pas confusément que ‘quelque chose se passe’. Severin est des morceaux qui fonctionnent malgré son introduction pour le moins barbare. Le but n’est pas de prendre l’auditeur à rebrousse-poil, mais il y a plus d’idées et d’ambiances que dans bien des discographies.

Et puis il y a cette pulsation (In Violet), et puis il y a cette énergie débridée et jamais prise en défaut, cette imminence d’orage qui sous-tend tout l’album. Et puis la maitrise aussi, leur possession de l’espace sonore. En plus, il y a une vraie musicalité, une tension, un état d’euphorie pas piqué des vers. Mélange de Beats et de furie ? On pense aussi à Nine Inch Nails, mais sans le côté sombre, ni le vernis conceptuel. Et alors que le projet de Reznor m’a toujours inspiré un très grand respect, j’ai toujours eu le sentiment de rester un peu en dehors de son monde (un super concert au Pukkel excepté) alors qu’ici je plonge tête baissée. Et quand on se renseigne un peu, on constate d’ailleurs qu’ils ont fait quelques premières parties pour NIN. C’est quand même bien fait.

Expérimental est un terme galvaudé. Il faut le prendre dans le sens de la prise de risque. Ca peut très bien provoquer ennui et irritation quand ça ne marche pas. Donc ce jeune groupe a encore un petit tri à faire avant de nous livrer des chefs-d’œuvre. Je dois bien avouer que je n’ai pas d’arguments bétonnés contre ceux qui disent que c’est du bruit mais je suis sorti deux fois abasourdi de leurs concerts et cet album a une force indéniable.

Cet album est une claque. De celles qu’on s’inflige pour se réveiller, dont on ressort un peu gêné mais gonflé à bloc. Cet album n’a sans doute pas la patine d’un futur classique et les moments trop exigeants (lisez casse-bonbons, mais ils ne durent pas) sont bien présents mais nous avons une preuve tangible que l’expérimentation n’est pas morte, qu’elle bande encore. Même si vous serez avisé de ne pas prendre au pied de la lettre les encouragements à vous y frotter, il y a ici matière à réflexion, si ce n’est émerveillement. Sans une petite claque, comment saurez-vous que vous êtes encore en vie ?

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

13 Messages

  • HEALTH - Get Color 11 septembre 2009 16:01, par mmarsupilami

    Ton lien Vivian Girls mène à une page où il est écrit : "Fumez l’herbe des champs".

    repondre message

    • HEALTH - Get Color 11 septembre 2009 16:07, par mmarsupilami

      Health, c’est typiquement le genre de groupe qu’il faut avoir écouté et probablement vu (grosse option sur l’AB, pour moi) !
      Ca veut dire que si on est amateur de musique et donc curieux, il faut se rendre compte. Ca ne veut pas dire que j’en suis fou !

      Et si j’osais, je dirais même que c’est le remix HEALTH (DISCO) qui m’a le plus plu (mais quel titre ! C’est pas disco, tout de même...).

      repondre message

      • HEALTH - Get Color 11 septembre 2009 16:19, par Marc

        J’irais certainement les revoir pour la troisième fois de l’année si j’avais été là. Prends des bouchons hein, l’effet est saisissant... Alors qu’emmener des gens voir des choses un peu extrêmes sans préparation est une recette pour un bad trip, mes compagnons de fortune (Seb et Fred de ce site notamment) ont été soufflés. Pas vrai les gars ?

        repondre message

    • HEALTH - Get Color 11 septembre 2009 16:14, par Marc

      De fait, le lien n’était pas le bon. C’est corrigé. Elles viennent de sortir un second album d’ailleurs mais je ne m’en sens pas la force.

      repondre message

  • HEALTH - Get Color 12 septembre 2009 12:22, par thibaultdebe

    Grosse claque de la rentrée en tout cas, en même temps que "Music Go Music" et "Trailer Trash Tracys".
    Cela fait 2 semaines que We Are Water m’obsède !!!
    Je me tâte quand même pour l’AB par contre ...

    repondre message

  • HEALTH - Get Color 13 septembre 2009 13:52, par Laurent

    C’est - encore une fois - tellement bien observé et synthétisé ! Je trouve juste que la cotation globale (4 étoiles) n’en est pas un reflet si fidèle (mais c’est peut-être le problème des cotations sur 5) ; en tout cas, dans la mesure où je trouve aussi le disque éreintant par moment, donc difficile à apprécier dans sa totalité. Le début et la fin de Severin (bon morceau au demeurant), le martèlement niais de Eat Flesh, perso je trouve ça juste chiant. In Violet, même si effectivement on peut penser à Deerhunter, j’accroche pas à 100% non plus. Bref, comme tu l’as bien dit on n’est pas encore au chef-d’oeuvre et si j’avais une suggestion à faire au groupe, ce serait de penser à son propre nom (et, partant, à notre santé mentale) en ménageant quelques aires de repos le long de sa stressante autoroute. Il y a suffisamment de bonnes choses (Death +, Before Tigers,...) pour croire au potentiel, mais qui dit "expérimental" dit que ça se cherche encore un peu (et puis le son n’est pas dingue sur galette, vivement la version remasterisée Deluxe dans 10 ans !). Quoi qu’il en soit, s’il y a moyen pour eux de creuser la veine quasi pop croisée au détour de Die Slow, on peut se diriger vers du tout bon noisy rock, exigeant sans oublier de rester digeste ; un parcours à la Deerhunter en somme.

    Évidemment, je crois qu’un élement doit expliquer en partie mon moindre engouement : je n’ai encore jamais vu le groupe sur scène, moi. Ma critique porte donc sur le disque et rien d’autre, mais la claque est tout de même d’actualité. Pour finir, ma définition d’une musique exigente : c’est celle qu’on n’est pas capable d’écouter en toutes circonstances. Pour Health, j’ai mis du temps à trouver les bonnes conditions et encore, elles peuvent varier d’un morceau à l’autre. Manque de cohésion, d’où ma tendance à trouver l’album inégal ? Ne vous en faites pas, si ça se trouve c’est moi...

    repondre message

  • HEALTH - Get Color 13 septembre 2009 20:41, par olivier s

    Un peu moins pechu et déroutant mais beaucoup plus tripant que le précédent.
    Personnellement, un des albums de l’année.

    Effectivement, leurs concerts sont mémorables...
    Sont de retour à l’AB Club le 28/10.

    repondre message

    • HEALTH - Get Color 14 septembre 2009 12:35, par mmarsupilami

      Vous ne m’aimez pas ?
       ;-DDD
      J’ai de nouveau des messages qui sont bloqués...

      repondre message

      • HEALTH - Get Color 14 septembre 2009 14:16, par Marc

        Heu... je viens d’aller à la cave, et il n’y a pas de commentaire en attente de validation...

        Et non, pas d’ostracisme en vue non plus.

        Etrange moi je dis

        repondre message

        • HEALTH - Get Color 14 septembre 2009 14:51, par Laurent

          (Accent bruxellois :) OSTRACISME ? OSTRACISME !? Je n’aime pas ce garçon !

          (On entend un énorme larsen, le chanteur de Health saute en hurlant sur Suzanne Beulemans, la confusion est totale tandis que le groupe envahit la main stage. Rideau.)

          repondre message

  • HEALTH - Get Color 29 octobre 2009 10:23, par bousval

    Excellent hier soir à l’AB. Quatre mots du chanteur - "Hy, We are Heatlth" - avant de foncer tête baissée dans un Triceratops, histoire de faire comprendre qu’on n’est pas là pour perdre son temps. Quasi (voire tout) le nouvel album est passé en revue. Mes moments forts sont les mêmes que sur le disque, Die Slow, Death+ et Severin qui sera joué en premier morceau du rappel. Ils termineront par le très saccadé Perfect Skin du premier album avant de revenir pour un second rappel de 47 secondes !

    45 minutes montre en main, elle est pliée. Un chouya court mais quelle intensité !

    repondre message

  • Don Aman - Open

    Les découvertes fonctionnent souvent par paquets. On vous avait parlé de Geoffroy Pacot pour le projet Bélier Mérinos et le voici en tant que membre de ce trio. Les deux autres étant Arthur et Francis Llaneza. Don, Aman est un morceau issu du légendaire premier album de Slint et ce n’est absolument pas fortuit (on a demandé). Ces précurseurs avaient en effet exploré des voies qui sont (…)

  • Mr Diagonal - Join the Dots

    Si le Bruxellois d’origine écossaise Dan Barbenel a décidé d’officier sous le nom de Mr Diagonal plutôt que Mr Lignedroite, c’est sans doute parce qu’il sait que son écriture a tendance à prendre la tangente, ce qui nous avait déjà plu. Pour augmenter la confusion, ces enregistrements de morceaux composés depuis 2018 est présenté comme un accompagnement de son one-man-show qui sera présenté à (…)

  • Islands – What Occurs

    Kate Nash, Menomena, The Decemberists et maintenant Islands avant bientôt Bright Eyes, il faut se pincer pour ne pas se sentir quinze and en arrière. Mais bon, comme ce sont de bons souvenirs et que tout le monde est dans une forme créative manifeste, on ne va pas bouder son plaisir.
    Dans le cas du groupe Canadien, ce n’est pas exactement un retour vu qu’ils sont dans une période plutôt (…)

  • Bat For Lashes - The Dream of Delphi

    On ne pourra jamais reprocher à Natasha Kahn d’enchainer des albums identiques. Après le plus synthétique et clairement teinté eighties Lost Girls, la revoici avec un album vaporeux et presque ambient par moments. Peu de morceaux se détachent lors des premières écoutes, ce qui est habituel. Il a par le passé fallu des prestations live pour pleinement appréhender certains albums. Il faut dire (…)