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The XX - S/T

mercredi 25 novembre 2009, par marc

Combustion froide


A ce stade d’avancement de l’année, il va de soi que personne ne fera de découverte avec cet article. Il a déjà été tant dit que l’exercice de critique après la guerre pourra sembler bien inutile. Donc cet album a trainé longtemps avant de passer dans mes oreilles, certain que j’étais de trouver matière à m’intéresser. Le seul vrai dommage à cette réaction tardive sera de rater le concert déjà soldout du mois de février, malgré l’insistance de Seb. Une fois le buzz un peu passé, je pouvais donc me faire bien à l’aise un avis. Et succomber comme presque tout le monde au talent indéniable de ces jeunes Londoniens.

On pourrait dire que cet album est l’opposé de celui sorti par Foals l’an passé. Alors que ces derniers poussaient leurs références cold et leur groove froid jusqu’à leur extrême point d’incandescence pour livrer un album d’exultation, ces jeunes-ci au contraire donnent de façon plus roublarde la température minimale pour éviter la congélation. Alors que pousser le tempo et les vu-mètres dans le rouge est un cache-misère bien connu et souvent efficace, ils se retiennent. Et quand la plupart des surfeurs de la vague des années ’80, qui va d’Interpol et Editors pour le meilleur à The Bravery et White Lies visent les stades, ils restent sagement potasser leurs classiques dans leur chambre.

Le pari est risqué parce qu’en évitant le clinquant on s’impose l’excellence. Et sans artifice, un morceau plus faiblard est débusqué sans peine. Ce ne sera pas le cas ici puisque ce type de morceau n’est pas présent tout simplement. Ils parlent pour eux-mêmes, comme Islands qui distille comme un grand sa classe froide et humaine. Les deux voix elle/il sont délicates mais distillent une sincérité. Mais leurs fréquents dialogues virent plus à la complicité qu’à l’affrontement. Un peu trainantes, elles sont dépourvues de tous les attributs cold. Pas de plainte d’écorché vif, pas de tessiture caverneuse, pas de prêche balourd, elles font partie de l’indéniable plaisir d’écoute. On les verrait bien d’ailleurs dans des atours débraillés indie mais c’est ce mélange qui fonctionne tellement ici.

Les nappes de synthés restent discrètes et la guitare est souvent laissée livrée à elle-même. Et elle s’en sort avec un sens mélodique assez bluffant, avec des sons pleins de chorus mais évoquant aussi bien la steel guitar que la cold-wave. Mais le minimalisme n’est pas aussi poussé que sur les modèles du genre comme le génial Seventeen Seconds de The Cure. Ils rejoignent aussi une grande tradition spleenesque, comme celle que distille le Leave Me Alone de New Order, quand ces grands garçons timides attendaient patiemment en bord de piste en ignorant que le dancefloor leur tendait les bras.

On imagine alors ce que Foals aurait fait du petit riff de Night Time. Sans doute une tuerie qui porte au trémoussement alors qu’on a ici une tuerie de sang froid. De même Un Shelter chanté par Florence (avec qui ils ont tourné) aurait été plus brillant peut-être, mais j’ai trouvé ici cette humilité qui me plait tellement plus que le pompier. Heart skipped A Beat n’est pas grandiloquent, mais me touche comme, disons, Interpol a rarement pu me le faire. Parce que les deux voix n’appuient pas cette guitare qui déroule gentiment son riff mélancolique. La retenue mène parfois à une froide abstraction mais ici le fait qu’ils ne soient pas nés Canadiens apporte. Même de fameuses montées sont résolues dans le calme (Infinity) et il y a une tension véritable sur Crystallised.

Bien entendu, cette réserve ne donne pas toujours le relief nécessaire, je comprendrais qu’on trouve tout ceci un peu placide sur la longueur, et certains exercices pourront sembler abstraits, mais Fantasy installe une ambiance brouillardeuse avec tellement peu de moyens qu’on ne peut que se laisser emporter.

Ajouter sa contribution au concert de louanges qu’a déjà reçu cet album n’est sans doute pas ce que j’aurai fait de plus constructif mais il y a des albums comme ça, à la fois parfaitement dans le mouvement et à contre-courant, qui distillent leur personnalité de façon tellement évidente, comme s’ils avaient été toujours là, qu’on les prend sous son aile immédiatement

    Article Ecrit par marc

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13 Messages

  • The XX - S/T 25 novembre 2009 21:49, par Mathusalem

    ...Pas mieux !
    Réécouter les débuts du Cure (Epoque froide),du New Order directement post I.C. certes , mais aussi les standards des débuts du label "Rough Trade" (Notamment les fabuleux "Young Marble Giants") Pour se faire une idée...
    Bien qu’on ne puisse parler de vulgaire copiage, ni même d’hommage, encore moins de contexte social comparable...Disons que les démarches, à la fois juvéniles et sincères, sont les mêmes.
    Ca fait plaisir à entendre tiens !

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    • The XX - S/T 26 novembre 2009 10:20, par Laurent

      Rien à redire, vraiment un bon disque, effectivement très Y.M.G. et il y a pire comparaison. Maintenant, ne t’en fais pas trop pour le concert loupé : je les ai vus il y a six mois et franchement, ce ne sont pas exactement des bêtes de scène, même si j’imagine qu’ils ont pu progresser depuis...

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      • The XX - S/T 26 novembre 2009 13:23, par Marc

        Je vois qu’il y a quand même une sorte de consensus autour de cet album. Sinon, pour éclairer un béotien comme moi, vous conseilleriez quoi pour aborder la discographie des Young Marble Giants ?

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        • The XX - S/T 26 novembre 2009 15:08, par Laurent

          Ah ben moi je n’en connais qu’un, d’ailleurs je ne suis pas certain qu’ils en aient fait des masses (2, 3 ?) : c’est "Colossal Youth", qui a été réédité il y a deux ans (avant ça, jamais entendu parler, et ce disque devait au moins fêter ses 25 ans). Cold wave ou post punk, je sais pas comment on appelait ça, mais minimal de chez minimal en tout cas. A priori cet album est censé être leur pierre ogivale, mais je dis vraiment ça en néophyte.

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          • The XX - S/T 27 novembre 2009 15:10, par Mathusalem

            Le mythe YMG vient d’ailleurs de là...Ils n’ont sorti qu’un album, une étincelle minimaliste, un éclair de flash, au moment ou le dinosaures n’en pouvaient plus d’agoniser,que la nouvelle scène hard se mettait en place, que le missile punk s’autodétruisait et descendait en vrille et que la "New Wave" (Quel nom !...M’y ferai jamais, même après 30 ans ! Ca fait Gel pour tifs plutôt que mouvement musical !) Cherchait ses marques.
            Une petite perle atypique, intemporelle...
            Colossal youth donc, not more...Not less.
            Ceci dit, en cherchant bien , je dois pouvoir retrouver quelques EP de derrière les fagots...Rough Trade ressortant de ci de là des enregistrements souvent intéressants.

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  • The XX - S/T 28 novembre 2009 14:10, par roydanvers

    Je me demandais quand tu allais attaquer l’affaire. C’est fait ! Moi aussi je suis méfiant quand une hype déferle de la sorte mais dans ce cas, je ne peux que suivre la masse. The XX est un des meilleurs disques que j’ai eu l’occasion d’entendre cette année. Pour le concert au Bota, fidèle à eux mêmes et au disque. Sincère, froid, sans fioritures. Trop court mais touchant.
    Les YMG ont fait une apparition étonnante il y a un peu plus d’un an au feu (et glacé) Factory Festival à Nivelles. Il est vrai que sur disque comme sur scène la comparaison se justifie. Deux grands groupes avec pas mal d’années d’écart. Pas de plagiat pourtant.
    Bonjour chez vous.

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    • The XX - S/T 30 novembre 2009 20:21, par Marc

      Rebonjour à tous,
      Hé bien j’ai découvert Young Marbles Giants grâce à ces commentaires et je dois dire que je ne suis pas déçu du déplacement. C’est assez fascinant dans la froideur et le minimalisme. Et comme l’époque actuelle est portée sur les revivals en tous genres, ça ne sonne aucunement daté.
      Encore une référence que je rattrape sur le tard. Waw.

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      • The XX - S/T 1er décembre 2009 00:27, par roydanvers

        Tu connais Queen, Supertramp & Genesis ?
         ;-)

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        • The XX - S/T 1er décembre 2009 20:33, par Marc

          Marrant, en préparant une compile, je suis tombé sur un morceau de Muse qui fait dans ces références-là (et c’est très ouille). Mais grâce à toi je les connais maintenant...

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  • The XX - S/T 1er décembre 2009 09:49, par Yann Lebout

    Ah - Ah ! Tu ne pensais pas que tu allais t’en tirer, suite à un article aussi généreux, sans un commentaire d’un vieil aigri (qui ne comprend pas la pupart de vos références)...

    Non, je n’aime pas de XX ! J’ai trouvé leur prestation au Botanique simplement ennuyante, pour parler poliement. Si à la première écoute leur album m’avait paru de bon aloi (notamment par les ambiances déployées), je me suis vite rendu à l’évidence : on s’emmerde du début à la fin (non, il y a le titre Infinity, le seul auquel je trouve encore un intérêt, avec le riff de guitare qui fait franchement penser à Yoav).

    Bref, au moins, tu auras un commentaire pour contre-balancer ton avis, ce qui ne peut que le renforcer...

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    • The XX - S/T 1er décembre 2009 20:38, par Marc

      Bonjour vieil aigri !

      Par définition, je me méfie des éloges trop unanimes et bon, tu ressens de l’ennui à l’écoute de ce groupe, bon, voilà, c’est comme ça, rien à redire. Ceci dit, je ne sais pas s’il faut connaitre les références citées pour apprécier The XX mais je pense qu’une certaine inclination pour un pan froid des années ’80 est requise pour succomber. Si ce n’est pas ton truc, c’est normal que tu t’y retrouves moins.

      Quant à te qualifier de ’vieil’ aigri, je pense que les intervenants de ces commentaires (moi compris) accusent quelques années de plus. The XX, un groupe de djeuns qui plait aux plus âgés ? Ça mérite d’être posé...

      A bientôt dites

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      • The XX - S/T 2 décembre 2009 12:45, par Mathusalem

        Heuu...Avec un pseudo comme le mien, je pense que vous comprendrez que j’ai pris le train du Rock en marche il y a bien longtemps.
        Mon âge canonique n’étant désormais plus un secret pour personne, je pense avoir été séduit par la naïveté, la sincérité, la simplicité de The XX, dont la démarche semble assez proche de celle qui caractérisait un certain état d’esprit des années 79 80...En ce sens, oui, c’est donc un groupe de Djeuns qui plait aux v....
        Ceci dit, d’accord avec toi, rien n’est plus malsain que l’unanimité.
        Bonjour chez vous.

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      • The XX - S/T 2 décembre 2009 16:36, par Yann Lebout

        J’ai un petit peu exagéré quand je disais que je ne comprenais pas vos références. J’ai déjà écouté Joy Division, The Cure et New Order, mais je n’ai pas ressenti la même tension chez XX que dans les chefs-d’oeuvres de ces groupes du débuts des années 80.

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