Accueil > Critiques > 2010

Shearwater - The Golden Archipelago

jeudi 25 février 2010, par marc

Fidèle au poste


Ce qu’on cherche à l’annonce d’un nouvel album d’un groupe aimé, ce sont des raisons de continuer à les écouter. On sent que peut-être on a plus à perdre à l’écoute de ce groupe. Parce que Rook est un des albums de la décennie (non, je n’ai pas tenté l’exercice), et de toute façon mon préféré de l’année 2008. Donc celui-ci présente l’île comme thème central évident. Moins évidente est la relation avec les deux précédents albums pourtant revendiquée.

Mais quand Meridian commence, la voix de Jonathan Meiburg dissipe les doutes. L’heure est à l’émotion. On a depuis longtemps brisé la glace avec eux, donc le retour se fait en toute facilité. Au fil de la première écoute, on sait qu’on le tient, qu’on va aimer se lover au creux de ces chansons belles. Et on en a tout de suite la confirmation dès le piano de Black Eyes, assez engageant et qui installe un morceau enlevé. Sans doute un peu plus lisse que par le passé.

La retenue reste leur meilleure arme, parce qu’ils savent que l’intensité est dans les gênes de leurs composition. Mais bon, comme on ne se refait pas, cet album a quand même des penchants plus grandiloquents. La voix plus franche a été moins utilisée sur Rook que Palo Alto, album un chouïa plus geignard, et par-là moins attachant que son successeur.

Du bruitisme sur un fond tendu, on ne s’y attendait pas nécessairement et pourtant c’est ce qu’on entend sur Corridors. On serre les dents plus qu’on n’ouvre les oreilles pour le coup. Mais ça prouve en tous cas qu’ils ne se complaisent pas dans des tempos avachis, ce qu’on savait déjà mais que viennent confirmer quelques brusques explosions (God Made Me). Plus classiques pour eux sont les clochettes souvent présentes

On constate donc une bienvenue évolution, qu’on palpe au détour de l’excellent Castaways et son ampleur. Laquelle rappelle les plus nerveux Okkervil River, le groupe-frère. C’est qu’il est souvent inutile de chercher à l’extérieur d’éventuelles analogies. Pourtant, étrange référence, c’est à Roger Waters que j’ai pensé au début d’Uniforms. C’est que cette introduction pleine d’écho aurait eu sa place sur The Final Cut. Les ressemblances sont donc à chercher du côté de leur propre discographie. Runners Of The Sun et ses violons peut ainsi apparaître comme une version moins géniale de Rooks. Ces morceaux plus légers espacent cet album en mélangeant facilité pop et émotion brute.

On leur souhaite bien évidemment tout le succès du monde, mais on apprécie aussi bien égoïstement de pouvoir les applaudir dans de petites salles qui vont tellement bien à leur délicatesse. Les revoir dans la Rotonde du Botanique était quand même un grand moment assuré.

Osons le dire, cet album est moins frontalement génial que Rook. Et comme ils ont acquis une certaine renommée grâce à ce chef-d’œuvre, la possibilité d’être déçu est là (ici par exemple). Mais ils ont su garder intact leur capacité à susciter l’émotion tout en défrichant des terrains nouveaux. On n’en a pas fini avec ce groupe fondamental. Ils livrent donc un album sensible qui laisse parfois aller la fureur et l’ampleur. Un album humain quoi, un bon album de Shearwater donc.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

4 Messages

  • Shearwater - The Golden Archipelago 26 février 2010 03:53, par Mathusalem

    Hé oui, il y a comme ça des moments dans la vie...Tiens, par exemple, en écoutant ce dernier Shearwater, j’ai été surpris d’y entendre des chants traditionnels (Maoris ? Polynésiens ?)...Et puis la voix arrive...Et là...Intuitivement,Je SAVAIS déjà que ça allait être bien !
    C’est vrai que cet album est différent de Rook, il s’apparenterait plus à un Concept-Album écolo-îlien qu’à l’aboutissement d’une éventuelle trilogie.
    je partage tout à fait ton analyse, (bien vu Waters !)Mais J’ose me permettre d’y rajouter une référence assez palpable sur des morceaux comme "Landscape At Speed", "Hidden Lakes" ou même "Uniforms"...M’est avis qu’ils ont beaucoup écouté Peter Gabriel, époque "Red Rain","Mercy Street", "San Jacinto" non ?
    Cela dit, les autres morceaux ne sont pas en reste, la batterie sur "Castaways" est méchamment présente,assez "Ethnique"...(Mot à la mode, qui ne veut pourtant pas dire grand chose).
    Ceci dit aussi, un morceau comme "Black Eyes" que tu qualifies du bout des doigts sur ton clavier, d’"Enlevé", me paraît, personnellement, extraordinaire.
    Shearwater reste magique...Du Folk/Rock insulaire exotique ???...C’est encore trop limitatif, cet album est Beau, simplement.
    Cette plaque possède ce "QuelqueChose" qui me fait dire qu’il rate de peu la récompense penta-stellaire...Les séquelles de l’effet Rook peut être ?
    Bon, c’est pas tout ça...Fin février et déjà deux disques de l’année...Va falloir se calmer hein ?
    Bonjour chez vous.

    repondre message

  • Ella Ronen – The Girl With No Skin

    Fuck Cute/I’m Tired of Cute/Cute has never served me
    Il ne faut pas se laisser tromper par la délicatesse d’Ella Ronen. Si on est séduit d’emblée par les plaisirs doux qui ne sont pas sans rappeler ceux de Marie Modiano (référence ancienne on en convient...), la jolie voix propose une écriture plus profonde, sans doute parce qu’elle repose sur un substrat qui a son content de drames.
    Une des (...)

  • Tomasso Varisco – These Gloves

    Les amis de nos amis (même récents) deviennent bien vite nos amis. En découvrant Stella Burns il y a peu, on ne savait pas que d’autres artistes se cachaient derrière comme Tommaso Varisco auquel Stella Burns prête ici main forte. Si ceci est moins marqué par l’americana mais c’est évidemment ce genre de terreau qui l’inspire. On est donc invités dans un road trip. Mais pas sur la route 66, ce périple (...)

  • Stella Burns - Long Walks in the Dark

    L’influence culturelle des Etats-Unis est telle que même les plus endémiques de ses expressions sont reprises partout dans le monde. Le cas de l’Americana est assez typique, on en retrouve des partisans tout autour du globe et c’est d’Italie que provient celui-ci, nommé Gianluca Maria Sorace mais officiant sous le nom de Stella Burns.
    Sa voix est belle et claire et reçoit aussi le renfort de Mick (...)

  • Harp - Albion

    Si le nom de Harp n’a jamais été évoqué ici, on connait bien l’instigateur de ce projet qui n’est autre que Tim Smith. Lui qui fut jusqu’au sublime The Courage of Others chanteur de Midlake a en effet quitté le groupe de Denton, Texas depuis belle lurette pour se lancer sur un autre chemin, accompagné de son épouse.
    Cette division cellulaire est un peu semblable à celle de Menomena qui a continué sa (...)