lundi 21 mars 2016, par
Le critique Wiliam Empson il y a longtemps établi que la poésie provenait de l’ambiguïté, laquelle peut se classer en sept origines différentes. C’est ce qui sous-tend le génial Seven Types of Ambiguity d’Eliott Perlman. A cette aune, il semble de prime abord que le dernier album de notre compatriote Benjamin Schoos soit dénué de poésie tant il met en œuvre exactement ce qu’il semble proposer.
Et ce qu’il propose est un album romantique au premier degré. Non dans l’acception nunuche du terme, mais dans l’élan d’enfant du siècle et noir qu’a connu la littérature il y a presque deux siècles. Mis en musique, ça se traduit par la redécouverte de vieux claviers analogiques qui constituent la colonne vertébrale de ces morceaux, par l’emploi d’un saxophone certes discret mais manifestement présent et par des textes ciselés par Jacques Duvall en qui il a bien trouvé en un partenaire de choix. Il assume le même romantisme, un rien narquois parfois mais fasciné par la noirceur insondable qui peut s’en dégager. Ce qui ne l’empêche pas d’exprimer une sensualité trouble (sue le très beau N’enlève Pas Tout).
Donc, Benjamin n’a pas peur. Ni du sax on l’a dit, ni du portrait frontal sur la pochette, ni de la voix de fausset occasionnelle, du vibrato du crooner. Ne venez pas parler de plaisir coupable, il n’a aucune envie de se planquer. Dès lors, pas d’ambiguïté et un risque de ridicule ? Non, parce qu’on le connait trop pour ne pas se souvenir que ce n’est qu’une facette de sa personnalité et puis le résultat est très cohérent, le situant à mi-chemin entre la mélancolie d’Etienne Daho (le chant faussement désincarné) et le lyrisme décomplexé de Sébastien Tellier.
On le connait trop pour ne pas penser que c’est une envie passagère, mais on devine aussi que c’est un aboutissement pour lui, une expérimentation pour assurer la cohérence maximum entre le fond et la forme. Exit donc pour cette réalisation les nombreuses collaborations de l’album précédent, les pépites pop comme Je Ne Vois Que Vous, et même la tournée pour appuyer la sortie de l’album.
Ceci dit, les paroles ou les thèmes ne sont pas tous élégiaques, permettant quelques amusantes considérations.
Dans ma robe de bal
Pauv’ débutante
J’m’en sors pas trop mal
Un peu vieille tante (Le Grand Paquebot Va Sombrer)
Dans Conducteur Fantôme, un automobiliste réalise à la fin que c’est peut-être lui qui est à contresens. Cette métaphore peut aussi s’étendre à cet album qui navigue à contre-courant en parfaite connaissance de cause.
Un album romantique assumé dans ce monde de brutes ? Tout à fait ! Et ça peut marcher parce qu’il ne se cache pas, parce que son talent ne l’oblige même pas à se retrancher derrière une ironie ou une distance narquoise. Comme il fait partie de ceux dont on ne peut (ni ne veut, du reste) jamais situer l’humour et l’amour véritable, c’est l’auditeur et sa connivence avec Benjamin qui tempère le sérieux, qui apporte sa propre distance. C’est déjà Jaques Duvall qui a mis dans la bouche de leur autre nouveau comparse Alain Chamfort ce qui semble être leur mot-d’ordre
Souris puisque c’est grave
Seules les plaisanteries doivent
Se faire dans le plus grand sérieux.
Le circuit court est un principe vertueux qui doit s’appliquer à la musique aussi. Ceci a beau être un premier EP, quatre morceaux étant sortis déjà, la surprise est un peu éventée et l’attente attisée. On attendait cette première publication d’importance pour faire un premier point et il est éminemment positif.
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