Accueil > Critiques > 2016

Gaëtan Streel - Two Days at a Time

jeudi 9 juin 2016, par marc


Évoluer est sans doute la chose la plus difficile à réussir en musique. Ainsi, la question a pu se poser pour le liégeois Gaëtan Streel au moment de préparer son second album solo. Il pouvait par exemple donner de l’ampleur à sa musique ou changer de langue pour donner un successeur à One Day at a Time. Eh bien, il a choisi de faire les deux. En même temps.

Le changement le plus rapidement identifiable est évidemment l’emploi de la langue française sur la moitié des titres. Fort heureusement, il ne se départit pas de son esprit pop. Ce qui en fait de la pop en français plutôt que de la chanson française. C’est une nuance, certes, mais qui a son importance. On la sent dès Chacun Pour Soi, avec son ironie légère qui tempère bien la légèreté sautillante de la musique. Ce ton personnel se retrouve aussi sur le très réussi 138g qui traite de ce que doivent sans doute subir les artistes quand ils se retrouvent face à des gens de la vraie vie.

Mais en sus de cette légèreté, il y a aussi D’un néant à l’Autre avec une voix qui parle, une musique plus lourde rehaussée de violons qui le rapproche plus d’artistes comme Mendelson ou Carl et les Hommes Boîtes. Déjà-vu propose aussi un refrain déclamé et est aussi plus sombre. Ce n’en est pas anxiogène pour autant mais dans le cadre de l’album, c’est un contrepoint bienvenu au reste plus léger et pop. Donc même en français, ce n’est pas uniforme. Et quand c’est en anglais, ce n’est pas non plus pareil à ce qu’on avait connu, tellement proche d’Elliott Smith parfois que c’en était troublant.

The Meaning est bien fini, avec une section rythmique bien en place et des cordes discrètes qui appuient l’ensemble. Et puis un démarrage en bonne et due forme. Your Turn est aussi un morceau pop ample avec chœurs, montée et tout le tremblement, Life’s Great (Then You Die) montre qu’il peut se lancer dans un morceau plus rapide et enlevé, tout comme la belle fin aérienne de Si Loin de Moi prouve qu’il a pris plusieurs tailles d’un coup. On se dit que le label Jaune Orange devient un repère d’orfèvres comme on en a eu la confirmation par Dan San récemment.

Bien honnêtement, on n’a pas vu venir cet album. Certes, on avait appris que Gaetan s’était mis au français, mais on n’avait pas anticipé qu’il déborderait aussi largement de son cadre folk très marqué par Elliott Smith. Le résultat est fort éclectique, et sans doute appelé à se préciser par la suite. Ou pas, les pistes étant suffisamment abouties pour être poursuivies.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • The Golden Son – Intermission (EP)

    The Golden Son, c’est l’autre projet de Laurent Leemans quand il n’officie pas en tant que The Imaginary Suitcase. Un album sorti l’an passé avait singulièrement étendu ce qu’on connaissait de lui. Maintenant que le périmètre de son groupe de base s’est élargi comme on l’a relaté ici, il revient sous un nom qui fleure bon l’expérimentation et la liberté artistique. La discrète sortie est un (…)

  • Benni – Bleeding Colours (EP)

    Le circuit court est un principe vertueux qui doit s’appliquer à la musique aussi. Ceci a beau être un premier EP, quatre morceaux étant sortis déjà, la surprise est un peu éventée et l’attente attisée. On attendait cette première publication d’importance pour faire un premier point et il est éminemment positif.
    Dans la lignée d’une Phoebe Bridgers qui se confirme comme la figure tutélaire (…)

  • Iliona - What If I Break Up With You

    Dans les tests automobiles, tous les articles sortent en même temps et décrivent la même prise en main du véhicule conduit en même temps par une horde de journalistes invités. Mais les impressions les plus pertinentes viennent souvent des essais longue durée disponibles plus tard. Souvent pris par la vitesse des sorties, on essaie de compiler un avis pour coller à l’actualité, on prend (…)

  • The Feather - BB

    A partir de quand un side-project devient-il le groupe principal ? Sans trancher cette embarrassante et peu primordiale question, on peut constater qu’après trois albums, The Feather, prête-nom de Thomas Médard quand il n’officie pas chez Dan San, continue à tracer son sillon en donnant l’impression de savoir exactement où il va.
    Ce BB apparaît d’emblée plus solide que ses deux (…)