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Spoon - Transference

jeudi 21 janvier 2010, par marc

Jusqu’à l’os


Sans doute que je me laisse emporter par mon enthousiasme, mais ce début d’année voit le retour de tellement de choses que j’aime bien, que je ne peux m’empêcher de la placer sous de plus favorables auspices que celle qui s’achève. Et dans les groupes auxquels j’ai un certain attachement, il faut évidemment citer les Texans (d’Austin) de Spoon. Il y a sans doute une part assez difficilement explicable dans cette inclination mais je dois constater qu’elle marche à presque tous les coups.

Pas de doute dès le départ, on entend toujours un rock minimal, tendu, pas distordu, tout en finesse, qui s’insinue en vous écoute après écoute. Mais il y a moins de flamboyance ici que sur leur précédent crétinement nommé Ga Ga Ga Ga Ga et que sur leur également remarquable Gimme Fiction), pas de cuivres et peut-être est-ce moins objectivement brillant. Moins pop, moins accessible, ça l’est certainement. Ils distillent toujours de l’intensité avec peu de moyens. C’est qu’ils font sans doute aucun partie de ceux qui estiment qu’un morceau est fini quand il n’y a plus rien à enlever. A un tel point que je me suis demandé si je n’écoutais pas des maquettes de morceaux.

Rien de nouveau peut-être mais au moment de trouver d’illusoires ressemblances, on est un peu pris à court. Même si j’ai souvent pensé à l’esprit de Wire pour cette capacité à créer des morceaux addictifs à partir de presque rien. Il manque évidemment le côté précurseur historique, mais on a tout de même un groupe de référence.

Ces compositions encore plus décharnées révèlent tout le talent d’interprétation. Notamment celui du chanteur-guitariste Britt Daniel. Mais ce sont souvent les passages instrumentaux qui augmentent l’intensité. Le pont instrumental d’I Saw The Light est tout ça. Une rythmique qui martèle sans jamais s’énerver, un clavier qui souligne une guitare patiemment frottée jusqu’à l’incandescence, quitte à utiliser un peu de flange sur quelques notes un peu éparses. J’aime bien aussi la placidité d’un Nobody Gets Me But You, avec cette basse imperturbable, discoïde et très ronde, cette guitare qui se lance dans un chorus simpliste qui pourtant tape où il faut. Ce post-rock froid n’invite pas à l’exultation dansante, mais est au contraire tout en énergie rentrée et finit par fonctionner, tout comme la répétition de The Mystery Zone.

La balade au piano n’est pas l’exercice auquel on les voyait se plier un jour. Pourtant on a droit à Laura. Etrange dans l’idée en leur chef, et pas mal dans la réalisation, même si l’épanchement n’est pas à proprement parler leur domaine d’expression favori. De même, le petit supplément de mélancolie fonctionne sur Out Go The Lights.

Si vous trouvez ça ennuyeux comme un jour sans bière, je n’aurai au final presqu’aucun argument à faire valoir. Parce qu’après deux albums brillants et plus amples, Spoon se concentre sur des morceaux minimaux, secs et un peu arides. Ce n’est donc pas la meilleure manière d’aborder leur discographie vieille de quinze ans et j’ai quand même un peu galéré au milieu de toute cette sécheresse. Mais avec ce marc de musique, on prend encore mieux conscience de leur importance.

http://www.spoontheband.com
http://www.myspace.com/spoon

    Article Ecrit par marc

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18 Messages

  • Spoon - Transference 21 janvier 2010 21:07, par roydanvers

    Mon très cher Marc,
    j’ai détesté ce disque. Je ne suis d’ailleurs pas arrivé au bout. J’ai essayé pourtant et, même si je ne suis pas du tout dépendant au houblon, j’ai trouvé cet album scandaleusement bien plus ennuyeux qu’un jour sans bière ! Moi qui comptais sur toi pour m’expliquer...

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    • Spoon - Transference 21 janvier 2010 21:11, par roydanvers

      Ceci étant dit, je vais au concert de Good shoes mardi au Botanique. L’occasion de ne pas laisser passer cette journée sans boire une bière ensemble ?

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      • Spoon - Transference 24 janvier 2010 15:38, par Marc

        En fait, j’ai un autre truc prévu ce soir-là. J’essaierai de boire une bière de mon côté, histoire de ne pas perdre cette journée... Bonjour chez vous !

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    • Spoon - Transference 24 janvier 2010 15:40, par Marc

      C’est une réaction que je comprend. je l’ai trouvé un peu imbuvable au premier abord. Mais le charme a opéré quand même, presque à mon insu. Hé non, je serai bien impuissant à t’expliquer sur ce coup-là...

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      • Spoon - Transference 4 février 2010 23:02, par roydanvers

        Mon bien cher Marc,
        suite à ton article et à ton enthousiasme qui était partagé avec d’autres, je suis allé rechercher le Spoon au fond de la corbeille et... bien m’en a pris !!! J’y ai découvert grâce à toi (à vous) quelques perles que je n’avais pas du tout repérées à la première écoute qui, je l’avoue, était bâclée... J’avais commis l’erreur de l’écouter un peu trop rapidement. Honte sur moi ! Merci à toi (vous).

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        • Spoon - Transference 6 février 2010 18:51, par marc

          Il faut dire qu’il n’est pas aguicheur et si je ne m’étais pas autant accroché au début, j’aurais sans doute eu la même réaction déçue. Qui m’a frôlé lors des deux premières écoutes, je l’avoue

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  • Spoon - Transference 22 janvier 2010 13:49

    Mon très cher Marc, j’adore ce disque. J’en suis d’ailleurs à la trentième écoute à 15 jours post-leak.

    Je comptais également sur toi pour m’expliquer... Tu y es arrivé avec cette phrase qui définit très bien l’oeuvre en question : "C’est qu’ils font sans doute aucun partie de ceux qui estiment qu’un morceau est fini quand il n’y a plus rien à enlever."

    I Saw The Lights est le morceau que Tom Barman essaye en vain d’écrire depuis presque 10 ans. Out Go The Lights rappelle la splendeur de certains Broken Social Scene. Got Nuffin & The Mistery Zone ont un son grandiose. Goodnight Laura est belle à pleurer. Je continue...?

    Vivement que le bel objet arrive d’outre-atlantique pour qu’il tourne et tourne encore sur ma jolie platine... Merci Spoon !

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    • Spoon - Transference 24 janvier 2010 14:55

      Effectivement, "Transference" est bien un des meilleurs albums de Wilco à ce jour !

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      • Spoon - Transference 24 janvier 2010 15:44, par Marc

        Heu, distraction ? allusion absconse ?

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        • Spoon - Transference 25 janvier 2010 10:32, par Laurent

          Ah désolé, je n’avais pas signé le message précédent. Quant à son contenu, ni distraction (nous écoutons souvent les mêmes choses) ni esotérisme (tout au plus une figure de style) : je trouve simplement que le dernier disque de Spoon sonne régulièrement comme un album de Wilco, particulièrement sur The Mystery Zone ou Out Go the Lights. Sinon, je trouve l’album remarquable, malgré la tendance répétée à priver leurs chansons de "chutes", un peu comme les sketches des Robins des Bois.

          Au fait, comptes-tu chroniquer l’autre indispensable du mois, à savoir le formidable 2e These New Puritans ? Quelle tuerie... Pour Get Well Soon, je ne pose pas la question, je parie mes maxis de Venus que c’est en cours de rédaction. ;)

          À bientôt !

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          • Spoon - Transference 25 janvier 2010 10:48, par bousval

            Laurent,

            Quel Wilco conseillerais-tu au novice que je suis ?

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          • Spoon - Transference 25 janvier 2010 14:03, par Marc

            Hééé, Laurent de retour !

            J’avoue que je ne connais Wico que depuis le formidable A Ghost Is Born (Bousval, je te le conseille chaleureusement) et que cette comparaison ne m’a pas frappé. Sans doute par méconnaissance de ce qu’ils ont fait avant.

            Sinon, j’écoute le nouveau These New Puritans mais je ne sais pas encore si une critique suivra.

            Et puis bonne nouvelle pour tes maxis de Venus, un article sur Get Well Soon devrait arriver cette semaine.

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            • Spoon - Transference 25 janvier 2010 22:10, par Laurent

              @ bousval

              Sans être nécessairement expert, je ne peux que recommander "Yankee Hotel Foxtrot" pour commencer. "A Ghost Is Born" est également super, et dans un registre plus classique j’aime toujours autant "Sky Blue Sky". Avec cette trilogie-là, on est paré pour les autres albums (je ne connais pas ce qu’ils ont fait avant "Summer Teeth" pour ma part).

              @ Marc

              Merci de préserver ma collection.

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    • Spoon - Transference 24 janvier 2010 15:43, par Marc

      Bonjour dites,
      Je vois qu’on a ressenti un peu la même chose à l’écoute de l’album. Mais une fois encore, je le trouve un peu particulier. Il m’a fallu beaucoup de temps avant qu’un album comme Gimme Fiction fasse tout son effet.
      C’est quand même subjectif, une écoute (trente écoutes aussi, ceci dit).

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      • Spoon - Transference 28 janvier 2010 09:09, par Mathusalem

        Hellooooo
        Je viens de l’écouter, d’une traite, en une seule fois....
        J’avais un peu peur d’affronter un truc trop abrupt...Ben non...
        Très agréablement surpris.
        Je t’en dis plus dans quelques temps, lorsqu’il aura bien décanté ;)
        Bonjour chez vous

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        • Spoon - Transference 29 janvier 2010 19:05, par Mathusalem

          Et si j’y allais joyeusement, à contre courant, comme les saumons.
          Pas pour faire mon malin, nooon, j’ai passé l’âge.
          Mais tout simplement car je pense vraiment qu’en matière de Rock sec, rêche, brut, en matière de recherche d’annihilation de toute fioriture, ils auraient pu encore aller plus loin.
          Je m’empresse toutefois de te dire que cet album figure, déjà, sur une des marches de mon podium de l’année, je ne sais pas encore laquelle néanmoins.
          (Comme quoi les années se suivent et ne se ressemblent pas, mon top des hits 2009 s’étant révélé problématique jusque fin novembre).

          Que veux tu…On ne se refait pas…Ce son nu, décharné réduit à l’état de carcasse, tinte encore d’un timbre résolument Yankee…Ce qui, somme toute est dans la normalité des choses…A chacun ses racines.
          Imaginons un instant que nos petits gars de Spoon se décident à braver l’Atlantique et à soumettre leur son déjà brut de décoffrage aux gens de Rough Trade, par exemple…
          Après tout, ce ne serait pas si ridicule que ça, A Place To Bury Strangers est bien passé par Mute Records…(Label British 80’s s’il en est).
          Malheur à toi aussi d’avoir cité Wire, tu m’ouvres grandes les portes de l’écluse…Une aubaine pour un saumon comme moi !
          Car c’est bien vrai que certaines choses comme « Got Nuffin » ou « Nobody Gets Me But You » Résonnent, instrumentalement parlant, de façon assez Wiresque.
          Songeons un instant à un de ces morceaux post produit par Newman (Et quand on entend le résultat de ses tripotages de console sur l’album « Novice » de Bashung, ou le fameux « If I Die, I Die » des Virgin Prunes…On pourrait être en droit de s’attendre à quelque chose de captivant, dans le registre froid et coupant, s’entend).

          Bref, s’ils avaient pu, avec des mélodies de cet acabit, jouer un peu plus la carte du son Arty, Icy, Sharp, je t’aurais harcelé jusqu’à ce que tu leur octroies une étoile de plus.

          C’est tout le mal que je leur (Me ????) souhaite !
          Au fait le dernier Githead est dans les bacs depuis deux mois…Je dis ça hein…
          Bonjour chez vous.

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          • Spoon - Transference 1er février 2010 21:54, par Marc

            C’est évident qu’il y a encore moyen de pousser l’intransigeance plus loin. Mais bien franchement, je ne suis pas certain de les suivre dans tous leurs délires si d’aventure ils voulaient encore évoluer vers l’épure. C’est qu’avec le recul ce qu’ils ont fait sur les deux albums précédents me plait vraiment beaucoup. Moins Wire sans doute, un peu plus glam, mais très réussi aussi. Et en concert, c’est une arme à la précision chirurgicale. Le solo d’un My Mathematical Mind est déchirant.

            En parlant de minimalisme froid, j’ai découvert les Young Marble Giants et comme prévu, c’est très grand. Sans doute moins anguleux et plus froid que cet album qui ne fait pas l’unanimité (et il y a débat, chic chic) mais vraiment attachant.

            Bonjour chez vous !

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            • Spoon - Transference 2 février 2010 04:35, par Mathusalem

              Tu as raison,au fil des écoutes j’en viens à me dire que ce qui fait tout le charme de cet album, c’est justement, en partie, ce petit arrière goût d’outre-Atlantique qui vient émousser le fil des lames que sont ces petites chansons...
              De plus, on aurait tort de ne se focaliser que sur les quelques compos à tendance post punk.
              Pour ma part, je dois avouer avoir,de plus en plus, un faible pour les moins hachées, comme le splendide "Before Destruction" et son clavier simplissime, désuet, terriblement mélancolique...Il faut y entrer, certes..Mais quand on est dedans...
              Bonjour chez vous...

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