lundi 24 mars 2014, par
Annie la moderne
La modernité est une idée ancienne, pour ne pas dire une idée du passé. Spécialement en musique, où être dans l’air du temps s’apparente souvent à suivre le revival du moment. Pourtant, quand on écoute ce nouvel album de St Vincent, les références ne servent pas à grand-chose, tout au plus peut-on s’appuyer sur ce qu’on connait et a aimé chez elle. Pour une fois, on a l’impression d’entendre de la musique moderne. Pas une actualisation de choses anciennes, pas une mode, pas un substitut d’une gloire passée, mais la sensation d’écouter ce qui se fait d’intéressant ici et maintenant en 2014. Un peu ce qu’on avait ressenti en écoutant Björk il y a 20 ans. D’ailleurs, on peut à l’Islandaise sur le bruissant Rattlesnakes.
C’est rare, mais il arrive parfois un point où les écoutes sont tellement nombreuses, où cet album est tellement assimilé qu’il annihile la critique. Ce qu’on peut en dire, c’est qu’il est d’office addictif et supporte d’être écouté très souvent, ce qui n’était pas toujours le cas des albums précédents d’Annie. Et puis on reprend l’analyse, on se remet à la chasse au détail et là, impossible de le nier, on a affaire à un grand album. Il semble facile mais très tentant de comparer les pochettes et l’impression qu’elles laissent. Après avoir montré sa charmante et innocente frimousse, Annie Clarke se la joue reine des glaces et sophistication. On a appris à la connaitre, à l’apprivoiser, à distinguer chez elle ce qu’on aimait (ce mélange de feu et de glace) de ce qui nous déconcertait (justement, ce mélange de sucre et d’âpreté), mais on ne peut qu’être surpris par ce nouvel aplomb, et sa capacité à maintenant tout réussir.
Et si on allait chercher chez elle ce qu’on ne retrouve plus toujours chez Bowie ? C’est sans doute un peu forcé, mais elle aussi ose et réussit le grand écart entre facilité pop et explorations. Essayer de cerner le style de St Vincent c’est se condamner à l’échec. Quelques artistes singulières qui savent mêler le chaud et le froid grâce à une technique sans faille. Natasha Khan et Annie Clarke sont de celles-là. Sa voix suffit à remplir l’espace, à orienter à elle seule tout Prince Johnny (est-ce scandaleux d’y entendre un peu d’Alanis Morissette ?).
Mais les plaisirs de cet album sont souvent plus complexes, comme le brillant Birth In Reverse. Et quand Huey Newton semble plus anecdotique, elle le secoue d’un buzz bien plaisant. Digital Witness et sa pulsation est sans doute ce RnB futuriste dont tellement se réclament et que presque personne ne réussit. Puis elle enchaine sans choquer avec le plus sucré (I Prefer Your Love –NDLR to Jesus) qui est bien moins collant que les moments équivalents du passé. Est-ce une réponse à Nina Persson qui affirmait Love is stronger than Jesus/It can kill anyone ?
Donc St Vincent n’était pas une mode passagère, ou quelqu’un qui a tout dit d’emblée. Pourtant, l’album précédent ne m’avait pas complétement séduit (pas plus que sa collaboration avec le légendaire David Byrne). On pensait qu’on avait fait le tour de ses trucs et ficelles. On se trompait lourdement. Album de la maturité ? Sans doute pas parce que le but d’Annie Clarke n’est pas de trouver la formule qui marche, mais de continuer à chercher. Mais son style s’affine, s’affirme album après album et pour la première fois, on cède sans réserve.
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