jeudi 29 mars 2007, par
C’est tout pareil. Mais en mieux
Quitte à paraître provoquant ou snob, je n’attendais absolument rien d’un album de LCD Soundsystem. Bien sûr, le boulot de James Murphy m’a toujours inspiré un grand respect. Mais la présence de leur premier album dans mes favoris de l’année 2005 devait beaucoup au disque bonus, qui recelait de perles comme Loosing My Edge ou l’inoxydable Yeah, qui avec la légère patine du temps pose sa candidature pour devenir un classique. En effet, LCD Soundsystem, puisque c’est comme ça qu’il s’appelait, était un peu fastidieux à écouter d’une traite, déforcé qu’il était par une trop grande dispersion (un peu comme du Death In Vegas sans les collaborations). De même, j’ai toujours trouvé exagérément longs leurs remixes souvent brillants. Cette longueur qui leur permet de mieux s’exprimer sur leurs propres morceaux n’est pas toujours souhaitable quand ils s’attaquent (avec succès je le rappelle) aux compositions des autres.
Tout ça pour dire qu’après le justement nommé 45’33’’, mix commandé par Nike et sensé rythmer un jogging, on attendait le duo, mais pas trop. Et la surprise n’en est que meilleure. Vais-je donc m’associer au cortège de louanges ? Je vais me gêner, tiens.
Quand commence Get Innocuous, on s’installe gentiment et on se dit qu’on a déjà entendu ça. Mais encore une fois, on se laisse prendre. On a beau connaître les ficelles, elles fonctionnent comme rarement.
Une première caractéristique de la musique de James Murphy est qu’elle a besoin d’espace pour s’imposer. La magie d’un titre comme Yeah (sur un des EP’s qui ont précédé le premier album), c’est que malgré un aspect linéaire, il nous amène où on ne pensait pas aller et il repart chaque fois qu’on a pensé avoir pigé le bazar. C’est en effet un des paradoxes que cette musique répétitive devient de plus en plus intéressante au fur et à mesure de l’avancement du morceau. Et c’est sans doute dans ces procédés qu’on ressent le mieux l’influence du Krautrock. Cette tension, cette hypnose provient de la volonté d’emprisonner dans une forme compacte l’esprit de groupes comme Can et la filiation crée quelque chose d’unique, tout comme l’utilisation prioritaire d’instruments analogiques. Pour qu’un titre comme All Of My Friends (et son piano vraiment réussi) arrive à ne pas lasser, il faut un vrai bassiste qui joue avec de vrais doigts sur de vraies cordes pour avoir ces infimes variations qui créent le groove.
Beaucoup de ce qu’on entend sur ce Sound Of Silver dépend de la connivence avec l’auditeur. C’est un peu comme dans la série humoristique Little Britain. On sait qu’un des personnages dans une chaise roulante n’est pas vraiment handicapé et fait des trucs hallucinants dès que l’autre a le dos tourné mais on attend de voir jusqu’où ils vont aller. C’est un peu pareil ici. Aucune des intros ne déconcerte, mais l’énergie dégagée est telle qu’elle emporte le morceau à chaque fois. Même quand on pense qu’on est parti pour un morceau plus banal et convenu (Watch The Tapes, Time To Get Away), on se laisse avoir. Difficile d’être évocateur avec du rythme mais j’ai toujours l’impression que le beat, le gimmick veut ma peau, me dit que je n’aurai pas le dernier mot. On arrive même à des situations extrêmes, comme ce Sound Of Silver, qui part comme un morceau dance standard (malgré ses paroles rigolotes Makes you wanna feel like a teenager/Then you remember the feelings of a real time teenager/then you think again) presque crétin mais se tord dans des délires inattendus. Il y a même un rappel des vocaux de départ comme clin d’œil pour rappeler que tout ça c’était pour rire. C’est un des cas les plus poussés d’humour tordu auto-référencé.
Une fausse bonne question est « Est-ce vraiment de la dance ? » Sans doute pas puisque les influences sont plus brutes. Même quand ils mettent tous les gimmicks (cowbels, basses rebondissantes, percussions additionnelles) pour créer (et réussir, selon le compte-rendu de concert de Seb) un morceau anthémique pour dancefloor. C’est de toute façon très efficace, comme les meilleurs moments du dernier The Rapture. Mais il y a toujours cette petite voix en moi qui me dit que malgré l’impression de tension et d’énergie ce n’est pas très dansable.
On le sait, c’est le sens du détail et le soin de production qui caractérisent LCD Soundsystem. Il est donc tout naturel qu’un titre qui aurait pu ressembler à une resucée eighties devienne un champ d’expérimentation. On a alors Someone Great dont je ne me lasse pas d’effeuiller les couches.
On pourra enfin ajouter que les paroles (il y en a plein, le livret est étonnamment long) dépassent les poncifs du « Move your body on the dancefloor ». Elles sont d’ailleurs volontairement déconcertantes mais c’est avec ce détachement qu’ils parlent le mieux du malaise d’être perçu comme américain de nos jours (North American Scum) ou le sentiment d’absence (Someone Great). Et puis il y a ce chant d’amour contrarié pour New-York qui clôture (bonne idée de le mettre là d’ailleurs) l’album. New-York I Love You est-elle une tentative d’aussi investir le quart d’heure américain ? J’imagine qu’elle revêt d’une importance particulière pour eux qui expriment leurs sentiments contrastés envers la cité mais franchement, ce n’est pas ce qu’ils ont fait de mieux et ça sonne un peu convenu. James Murphy n’est pas et ne sera jamais un ‘grand’ chanteur, ce qui fait que ce premier degré lui sied moins.
Neuf titres et c’est tout. La lucidité est une bonne chose. Plus aurait sans doute apporté son lot de redites. Au lieu de ça, LCD Soundsystem nous livre son album le plus abouti à ce jour. Si les moyens utilisés sont très identiques à ceux mis en œuvre jusqu’ici et si rien ne surprend vraiment, ce Sound Of Silver permet de matérialiser tout le potentiel du groupe. Il est quoiqu’il en soit bien supérieur au premier parce qu’ils se sont concentrés sur leurs forces. Peut-être va-t-il enfin plaire à des gens qui n’ont pas de platine vinyle Technics chez eux ? C’est tout le mal qu’on souhaite à ce témoignage enregistré par un groupe en pleine possession de ses moyens.
Alors que la technologie tente depuis très longtemps d’avoir des équivalents numériques à tous les instruments qui existent, la démarche de certaines formations va dans le sens opposé. Certes, c’est parfois anecdotique quand certains se présentent comme fanfare techno (Meute) mais dans le cas qui nous occupe, la force de frappe est indéniable.
Parquet a été fondé en 2014 par Sébastien Brun qui a déjà (...)
La nature est un décor, certes, mais pour beaucoup de musiciens, c’est un contexte, voire une inspiration. On se souvient par exemple des expériences Echolocation d’Andrew Bird ou des prestations au grand air de Kwoon, la liste étant loin d’être exhaustive. Odyssée est Edouard Lebrun et, installé dans un chalet des Alpes depuis 2020, il a développé un système de synthétiseur auto-alimenté qui lui (...)
On avait déjà croisé le chemin de Sébastien Guérive, apprécié cette sculpture sur son qui dégage une majesté certaine mais sans grandiloquence. Cet album ne fait que confirmer et appuyer cette impression.
C’est le mélange d’organique et d’électronique qui est la plus grande réussite, ce qui permet à la fois de ménager l’émotion et de garantir une pulsation basse, cardiaque qui n’est pas un ajout de beats a (...)
L’EP sorti l’an passé nous avait déjà signalé le talent et la singularité d’Édouard Ferlet. On rappelle donc la singularité de son procédé. Il utilise deux pianos dont un mécanique piloté par une machine semble dialoguer avec celui qu’il manipule en direct. Ce pilotage crée un dialogue, indéniablement, mais s’il permet de se laisser surprendre, il faut tout de même une sacrée maitrise.
Pas de souci à avoir, (...)