Accueil > Critiques > 2022

Will Sheff - Nothing Special

mercredi 2 novembre 2022, par Marc


On peut toujours se demander ce qui pousse des artistes a priori seuls maitres à bord de leur formation à vouloir se lancer dans l’exercice solo. On sait depuis toujours qu’Okkervil River, c’est Will Sheff et les musiciens avec qui il a envie de travailler. Lui qui avait annoncé Okkervil River R.I.P. sur l’album Away (qui du reste n’est pas le dernier) semble maintenant faire de cette déclaration une réalité.

Envie de se frotter à des sujets plus personnels, envie de nouveauté en accord avec une nouvelle vie ? On ne le sait pas vraiment et ce n’est finalement pas le plus important, même si cet album est hanté par la disparition du batteur d’Okkervil River Travis Nelsen. Mais qu’importe l’étiquette donc, pourvu que l’ivresse du songwriting hors pair de Sheff soit là. Si les albums d’Okkervil River ont pu être largement autobiographiques, ceci l’est encore plus. Et si c’est seul qu’on l’avait vu pour la dernière fois, on signalera la présence de deux des musiciens d’Okkervil River sur ce Nothing Special qui n’est pas uniquement acoustique.

Et en deux morceaux, on a déjà refait connaissance avec ses tendances complémentaires, une plus rock et ample qui fait mouche et une plus intime. Et quand un morceau se fait plus anodin d’apparence, Estrangement Zone peut se renforcer d’une guitare que ne renierait pas le Crazy Horse (le groupe de Neil Young, pas le cabaret, hein...).

C’est parfois aussi léger au point d’en être évanescent mais toujours digne et un peu profond (Holy Man). Et puis il y a des mélodies qui hantent (Nothing Special). Et puis il y a des moments d’intensité comme Like The Last Time qui frappe fort et juste. On est dans du rock/folk indépendant haut de gamme comme prévu.

Si Okkervil River vous manque, ceci est l’album qu’il vous faut. Will Sheff solo a en effet toutes les caractéristiques de ce qu’on aime chez le groupe, sa combinaison unique d’ampleur et d’intimité que permet le chant décalé de Sheff, et puis une écriture sensible. Il semble en tous cas pousser encore plus loin l’introspection et nous confirme qu’il est tout simplement un des grands talents américains de l’époque.

    Article Ecrit par Marc

Répondre à cet article

  • Dan San - Grand Salon

    On ne va pas se mentir, il faut une petite adaptation à l’entame de ce nouvel album de Dan San. Eux qu’on avait vu évoluer d’un folk ample à un folk puissant avant d’incorporer des éléments plus psychédéliques. La trajectoire vers toujours plus de légèreté ne sera pas infléchie par ce troisième album.
    Les voix ne sont plus aussi typées, même si elles poussent encore parfois à l’unisson. On pense même (...)

  • Feist - Multitudes

    On n’a qu’une chance de faire une première bonne impression. C’est via un album soyeux qu’on écoute encore beaucoup 20 ans après qu’on a fait connaissance du talent tellement attachant de Leslie Feist et on n’a jamais décroché parce qu’elle ne nous a jamais déçus non plus.
    On n’a qu’une chance de faire une première bonne impression. Et c’est avec le délicieusement psychédélique In Lightning qu’elle revient (...)

  • boygenius – The Record

    Sororité est sans doute le premier mot qui vient en tête à l’évocation de boygenius. Depuis ce live de KEXP où elles sont accueillies par Sheryl Waters, on a fondu pour cet incroyable trio. A priori, leur seul EP de 2018 n’appelait pas de suite mais comme c’est visiblement l’envie seule qui les guide ici, elles ont voulu prolonger l’expérience. Il faut dire que la démarche n’était pas celle d’un (...)

  • Maita - Loneliness

    C’est sans doute une étrange idée d’aborder une discographie inconnue par une relecture acoustique d’un album qu’on n’avait pas écouté mais toute occasion est bonne de découvrir du talent. Donc après avoir sorti I Just Want To Be Wild For You, Maita (Maria Maita-Keppeler en vrai) a voulu tout de suite faire émerger des versions acoustiques, plus proches des compositions originales. Les morceaux (...)

  • DM Stith – Fata Morgana

    Difficile de revenir après plusieurs années d’absence, surtout si on était associé à un courant qui s’est un peu éteint. C’est en effet dans la vague freak-folk, mêlant écriture et musique aérienne et organique à la fois qu’on avait placé DM Stith. Avec son pote Sufjan Stevens ou autres Grizzly Bear, il était même un des plus éminents représentants de ce style qui nous a valu bien du plaisir.
    Toujours aussi (...)

  • The National - First Two Pages of Frankenstein

    The National est sans doute le groupe qui nécessite le moins d’introduction. Parce que si on considère les critères du succès et de la pertinence artistique actuelle, c’est sans doute le plus grand groupe de rock du monde. Si on ajoute qu’Aaron Dessner s’est hissé sur le toit du monde des producteurs, que son frère jumeau Bryce réussit quelques belles musiques de film et que des projets comme LNZNDRF (...)

  • Xiu Xiu - Ignore Grief

    Si on a depuis toujours associé Xiu Xiu à la personnalité hors-normes de Jamie Stewart, on sait que la place d’Angela Seo est centrale. Le caractère de duo est maintenant encore mieux établi, la parité étant assurée au chant. Mais n’attendez pas de changement de cap, la flippante musique de Xiu Xiu garde tout son mystère.
    Cet Ignore Grief n’a pas la flamboyance electro de certains essais antérieurs. Il (...)

  • Nicholas Merz - American Classic

    Il faut parfois le recul de plusieurs albums pour qu’on voie vraiment la personnalité d’un artiste émerger. Après un album de Darto et un troisième exercice solo, on peut commencer à cerner Nicholas Merz. On avait tout de suite remarqué sa belle voix grave et elle est logiquement toujours là.
    On commence bien avec The Dixon Deal et ce montage en étranges couches dont certaines sont volontairement (...)