Accueil > Critiques > 2007

Joy Wants Eternity - You Who Pretend To Sleep

samedi 9 juin 2007, par marc

La force du brouillard


Vous voulez de la découverte, du groupe-qu’on-n’en-parle-pas-ailleurs ? Vous allez être servis. Seattle regorge de groupes de post-rock, de math-rock et toutes ces joyeusetés. Parmi elles, celui qui m’a le plus tapé dans l’oreille c’est Joy Wants Eternity. C’est que je suis sorti fort impressioné de certains concerts (pas toujours, mais jamais déçu) qui se sont révélés de très rares expériences sonores.

Le line-up ne laisse pas de doute sur les intentions : un fender rhodes (orgue donc), trois guitares, une batterie. On n’est pas là pour faire de la musique de chambre ou du groove, non, on vient faire du bruit inspiré, construire des murs en guitare comme d’autres le font en lego. C’est d’ailleurs ce qui définit leur style, leur spécificité. Ils jouent plus sur les structures du son et les morceaux ne sont pas dirigés par la batterie (comme chez Battles par exemple) ou les arpèges lacrymaux (type Explosions In The Sky), même si les deux sont présents.

Après un EP plutôt confidentiel, ils passent à la vitesse supérieure avec leur premier album. Enfin, tout est relatif, il y a juste quatre minutes entre Must You Smash Your Ears Before You Learn To Listen With Your Eyes (moins les groupes chantent plus les titres sont longs) et ce You Who Pretended To Sleep. Existence Rust est une bonne introduction à leur style. Tempo lent mais batterie libre, progression d’accords mineurs, bruissements de guitare. C’est l’introduction la plus fidèle à un de leurs aspects.

Pour que l’album ne soit pas fastidieux, il y a des morceaux comportant des passages plus calmes comme Death is A Door That Opens ou What Lies Behind. Cette pause est située à la mi-album, ce qui est un choix judicieux et indispensable pour rester digeste. Ce qui suit n’en prend alors que plus de relief. Dès lors l’écoute d’une traite est envisageable et même recommandée puisque l’agencement des morceaux est pensé comme un tout.

Il faut quand même dire qu’on retrouvera quand même des arpèges de guitare (From Embrace To Embrace qui est plus planant et complet) et des installations d’ambiances plus classiques. Ce morceau est d’ailleurs un de ceux qui tient le mieux tout seul, qui a ses propres variations, ses propres ruptures et résolutions. On peut le dire aussi de Yet Onward We Marched et Uriel qui ajoute une petite touche de violon. Il y a une manifeste volonté d’aller vers encore plus de mélodie sur You Are The Vertical, You Are The Horizon qui est réussi mais apparaît comme moins personnel. La brute chute de guitare est un peu convenue. Mais dès le moment où ça marche on ne voit pas l’intérêt du reproche. Dans l’ensemble, cette musique qui s’apprécie mieux à volume élevé est très accessible. Pas de virtuosité ou d’angulosité, l’auditeur est clairement pris dans le sens du poil. Parce qu’il est plus facile à cerner et ne veut pas absolument rechercher le climax qui tue, le genre pratiqué par Joy Wants Eternity est plus à même de fédérer.

Alors qu’on pense avoir affaire à un énième groupe de série, Joy Wants Eternity se révèle plus addictif qu’initialement pensé. La réussite de ces impeccables murs de guitares est de laisser passer le sentiment à travers l’épaisseur du son. Le reste du temps, la recherche du climat et la bonne tenue mélodique de l’ensemble sont attachantes. Personnellement, c’est ma musique d’intérieur du moment.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Mono – Oath

    Ce qui est rare est précieux. Et dans un contexte musical où le post-rock se raréfie, les plaisirs que confèrent une formation comme Mono ne sont pas reproductibes par d’autres genres et deviennent d’autant plus précieux. Mais cette rareté ne confère pas pour autant le statut de chef-d’œuvre au moindre album du genre, loin s’en faut même.
    Une fois ces généralisations balancées, penchons-nous (…)

  • Binidu - //

    Si on avait croisé le chemin de Vincent Dupas quand il officiait en tant que My Name Is Nobody, on était passés à côté de ce projet qu’il partage avec Jean Baptiste Geoffroy et Jérôme Vassereau (ils sont aussi tous membres de Pneu). Le troisième album en onze sera donc l’occasion de faire la découverte.
    On sent dès le début de We Grew Apart que le morceau ne restera pas aussi désolé et de (…)

  • Oootoko - Oootoko

    l y a plusieurs expressions qui attirent immédiatement notre attention. Et big band n’en fait pas vraiment partie. Mais il faut reconnaitre que les effectifs pléthoriques sont aussi une belle façon de susciter l’ampleur. C’est précisément ce qui rend Oootoko immédiatement sympathique.
    Impossible donc de valablement tenter le jeu des étiquettes. Même le terme générique de ’musique (…)

  • Midas Fall - Cold Waves Divide Us

    Il ne nous est jamais arrivé de penser qu’une voix manquait à des morceaux. Même quand Albin de la Simone a jeté sur un album instrumental ce qui est devenu plus tard de ’vraies’ chansons, l’élément vocal ne semblait pas indispensable. Dans le cas de Midas Fall par contre, le chant a toujours semblé de trop, redondant par rapport à la majesté du post-rock qui l’entoure. On aborde donc cet (…)