vendredi 29 décembre 2006, par
Eloge de la modernité
Pourquoi revenir à Tv On The Radio alors que leur précédent ne m’a avait pas exactement retourné ? Parce qu’il ne faut pas nécessairement rester sur un échec et ce que j’avais eu l’occasion d’entendre étaient d’un tout autre niveau. Qu’est-ce qui a bien pu me rendre cet album attirant dès lors ? C’est ce que je vais tenter d’expliquer.
Un des domaines dans lesquels Tv On The Radio excelle, c’est bien le son. Très dense, il est à la fois ce qui attire et déconcerte. Déconcerte parce qu’en cherchant bien, il y a peu de styles musicaux qui ne sont pas représentés. Mais plutôt que les juxtaposer en jouer les montagnes russes, comme Malajube par exemple, ils en empruntent quelques éléments et jouent sur les textures. Pas de couplet-refrain en vue. Dans un morceau comme Playhouses, il y a des guitares années ’90, un rythme presque breakbeat, et une guitare qu’on ne remarque que quand les autres instruments se calment. Même quand il y a peu de choses dans le morceau (A Method), on reste très cohérent avec le foisonnement du reste de l’album. Un morceau s’approche parfois d’un style défini, mais n’y rentre jamais vraiment. A leur échelle, Whirlwind peut même passer pour une ballade. Ils peuvent mêler des rythmes tribaux et une guitare extra-froide tout en agrémentant le début et la fin de claps très Cure première époque (Let The Devil). Ils font leur shopping à travers les époques en n’inscrivant sur leur liste que ce qui pourra servir le morceau.
La présence de David Bowie sur Provinces ne relève pas de l’anecdote. S’il a depuis longtemps prouvé un goût certain en matière de nouveaux groupes (Placebo, Clap You Hands Say Yeah, Arcade Fire, Indochine - celui-là c’est pour rire...), la filiation est ici évidente. Sa voix se fond d’ailleurs parfaitement à l’ensemble. Dans sa longue carrière, lui aussi a pu transcender certains styles. Tente ans après sa trilogie berlinoise, voici un écho du côté de New-York. Tant que j’en suis à la citation, on des albums les plus proches est le premier de Tricky, Maxinquaye, pour le groove sombre.
C’est quand même de la musique pour esthètes, pour ceux qui sont prêts à enlever les couches une par une, pour tirer le meilleur de ces chansons. Si la première écoute est gratifiante, il faut quand même une certaine attention pour en tirer la quintessence. Sans compter que ce n’est pas exactement fredonnable. C’est pourquoi je parlerai d’un certain élitisme. C’est au demeurant le seul reproche objectif, qui n’en est pas un en soi : cet album est juste intrigant à la première écoute. Il devient intéressant à la troisième et addictif à la dixième.
Tv On The Radio produit de la musique de son temps, qui ne s’embarrasse s’absolument aucun passéisme ou nostalgie. C’est la musique d’un groupe décidé à explorer des champs nouveaux et à faire de la sculpture sur son. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls. On peut établir un parallèle entre ce désir de faire subir les derniers outrages au rock comme Animal Collective et Grizzly Bear l’infligent au folk ou Snowden à la new-wave. Comme chez ces groupes, Tv On The Radio procède par superposition, apparaît comme froid au premier abord avant de révéler son intensité et son humanité après des écoutes où les couches se dissocient les unes des autres. Il y a en sus une réelle puissance. Wolf Like Me restera comme un des meilleurs morceaux récents. Il faut enfin dire que l’interprétation et la production soient à la hauteur. Un peu d’approximation et le tout vire au chaos sonore, et quitte les rayons du rock pour ceux de l’expérimental supportable un jour de fort bonne humeur.
Voilà, ma a-list de cette année est complète maintenant. Je ne pouvais pas manquer cette musique qui fait la synthèse de tellement de choses qu’elle en devient inclassable. Avec en sus une puissance et des compositions hypnotiques qui créent d’authentiques bons morceaux. Il n’y a pas que des groupes passéistes de nos jours, et ce rock certes parfois cérébral est là pour prouver que la modernité peut encore s’incarner.
Comme c’est souvent le cas, découvrir un.e artiste implique de bien vite en découvrir d’autres projets. On vous parlait il y a peu d’Eilis Frawley et son atypique et attachant album et la voici en batteuse inspirée qui a une belle part dans la réussite de cet album. On entend clairement sa voix sur plusieurs morceaux Self Destruct mais elle n’est pas la seule à assurer le chant.
Quand les (…)
Certes il y a les historiens, mais rien ne vaut ceux qui ont vécu une époque. Ce n’est pas un hasard si c’est un authentique Wireophile qui a attiré notre attention sur cet album (et il en parle très bien). Bassiste et fondateur des légendaires Wire, Graham Lewis a déjà sorti des albums quand la plupart des défenseurs actuels du genre (Squid par exemple) n’étaient pas nés. En sus du groupe de (…)
En matière de critique, tout est question de perception. Certes, on tente de définir le contexte, de placer une œuvre dans une époque au moment où elle se déroule (oui, c’est compliqué) mais souvent, on essaie en vain de définir nos affinités électives. Et puis si on n’arrive pas à expliquer, rien ne nous empêche de partager. Ainsi, on a adoré tout de suite ce que faisait Squid. En alliant (…)
Une certaine distance vis-à-vis des artistes qui sont critiqués ici rend incongrue la proximité géographique. 1480 est un morceau ici mais aussi un code postal. Y a-t-il une école wallonne de la turbulence ? Si on se réfère à La Jungle et ceci, ce n’est pas impossible. Est-ce une coïncidence s’ils font tous deux partie du catalogue Rockerill ? Nous ne le pensons pas.
Mais cet album produit (…)
Depuis eux albums, Cross Record est le projet solo d’Emily Cross. Chanteuse de Loma, elle agit aussi en tant que ‘Death Doula’, autrement dit en assistant des fins de vie. Elle a aussi quitté son Texas pour le Dorset et est devenue mère, ce qui ne doit pas être un mince ajustement. Donc quand on décèle que c’est une chanteuse habitée, tout ce substrat prend son sens, prend chair même. (…)
Comme un Perfume Genius qui a émergé à la même époque, Trevor Powers est passé de petit génie de la bedroom pop intime à singer/songwriter aux possibilités pas encore complétement cernées. Le point de départ de cet album est la découverte d’anciennes vidéos de son enfance retrouvées dans la cave de ses parents. C’est pourquoi on entend beaucoup d’extraits de vidéos, de conversations. (…)
Il y a des artistes qu’on côtoie depuis très longtemps, dont l’excellence semble tellement aller de soi qu’on est surpris qu’ils arrivent à se surpasser. On la savait sociétaire d’un genre en soi dont d’autres membres seraient Angel Olsen ou Emily Jane White, voire Bat For Lashes. De fortes personnalités à n’en pas douter. Mais sur cet album, le ton est bien plus rentre-dedans que chez ses (…)
On a déjà avancé l’idée que The National serait le plus grand groupe de rock du monde. Ou alors pas loin. Mais sans doute par défaut. Il faut dire que leur succès est arrivé sur le tard et presque malgré eux. Ils peuvent se targuer d’une impressionnante discographie. Et puis il y a cette sensation que les albums s’enchainent sans que leur statut n’impose leur contenu. Ils arrivent à avoir des (…)