Accueil > Critiques > 2014

The Imaginary Suitcase - Driftwood

vendredi 28 mars 2014, par marc

Practice Makes Perfect


Bien franchement, même avec le Jean-Louis Murat des grandes années, il ne m’a jamais été donné de critiquer trois albums (après celui-ci et celui-là) du même artiste en moins de 12 mois. Mais au-delà de ce qui pourrait apparaitre comme une boulimie d’enregistrement à l’œil distrait, il y a une vraie démarche. Laurent Leemans, seul aux commandes de ce projet, avoue préférer pousser chaque maquette vers sa forme finale. Pour laisser une chance à chaque morceau. Ce n’est pas une mauvaise idée parce que si la quantité est forcément bien présente, il y a aussi une évolution de la qualité.

Donc, à l’inverse des artistes comme Sophia qu’il faut pousser pour qu’ils sortent un nouveau morceau (d’accord, magnifique) après cinq ans, il existe ceux qui pensent que la pratique est la seule voie vers la perfection de leur art. Mais à l’inverse d’un Spencer Krug qui multiplie les projets et les ambiances (avec les réussites que l’on sait), Laurent affine. Les deux albums précédents avaient laissé entrevoir pas mal de possibilités, une revigorante versatilité et la voix très belle de Laurent Leemans. La voix est toujours là, mais la variété est moins présente. N’allez pas en déduire hâtivement que cet album est monochrome et monotone, il est plutôt recentré sur une écriture plus fine et il attend Three Sisters pour s’énerver un peu.

On le ressent dès le premier morceau à l’arpège impeccable. Les mélodies ont donc monté d’un cran (Half Of Myslef, Like Rain) et ménagent aussi quelques montées. Second To None est ainsi plus intime et s’épanche avant un chorus à la guitare électrique.

Ah oui, il y a des reprises, montrant un goût très sûr comme Bring On The Dancing Horses d’Echo and The Bunnymen ou un beau culot pour se frotter à l’incunable Space Oddity. Et Before I Knocked n’est rien moins qu’un poème de Dylan Thomas bravement abordé a capella. Holy Water m’a carrément rappelé… les premiers Pulp. Oui, j’avoue, c’est un rien tordu mais une voix placide et des sons qui évoquent la harpe, c’est ce qu’on entendait à l’occasion de la part de Jarvis Cocker à l’époque. Et finalement, ce beau souvenir appuie peut-être encore cette poignante ballade.

Si le temps de l’uniformité n’est pas encore venu, il s’est un peu moins dispersé ici et cette convergence est finalement rassurante. C’est sans doute aucun la preuve d’un style qui s’affirme. De plus, la simplicité des arrangements étend le champ des possibilités de ces compositions qui devraient sans trop de peine se plier à d’autres types d’orchestrations.

http://theimaginarysuitcase.bandcamp.com/

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • La Jungle – Blurry Landscapes

    S’il en est qui ne semblent jamais s’arrêter, ce sont bien les deux turbulents Rémy Venant et Mathieu Flasse. On se remet à peine d’Ephemeral Feast que voici déjà son successeur. Il faut dire que ces deux album ont été tous deux composés pendant les confinements. Un simple album de plus alors ?
    Pas vraiment parce qu’il y a ici une composante visuelle. Ils ont eu en effet l’idée de proposer à dix (...)

  • The Ultimate Dreamers - Echoing Reverie

    Le vintage années ’80 est un style qui se pratique depuis des dizaines d’années. S’il peut évidemment être pratiqué par des novices, on ne se lasse pas non plus de ceux qui ont vécu les évènements en direct. Outre les légendes Wire, il y en a d’autres qui ressurgissent du passé. Actif au milieu des années ’80, le quatuor belge est revenu aux affaires à la faveur du confinement qui les avait vus dépoussiérer (...)

  • AstraSonic - Society

    Les influences, on peut les aborder frontalement ou par la bande. Dans le cas du second album du groupe belge, si les marqueurs post-punk ou cold sont bien là, ils sont déjà très processés. On vous a déjà parlé de groupes comme Ultra Sunn (et on vous reparlera de The Ultimate Dreamers) plus frontalement cold wave ou gothique, on est plutôt ici dans un pop-rock mélancolique qui lorgne du côté d’un (...)

  • Dan San - Grand Salon

    On ne va pas se mentir, il faut une petite adaptation à l’entame de ce nouvel album de Dan San. Eux qu’on avait vu évoluer d’un folk ample à un folk puissant avant d’incorporer des éléments plus psychédéliques. La trajectoire vers toujours plus de légèreté ne sera pas infléchie par ce troisième album.
    Les voix ne sont plus aussi typées, même si elles poussent encore parfois à l’unisson. On pense même (...)

  • Rufus Wainwright – Folkocracy

    S’il n’est pas immédiatement associé à une scène folk historique, le pédigrée de Rufus Wainwright ne laisse pas de doute. Il est le fils de Loudon Wainwright III et Kate McGarrigle (chanteurs folk proches de la scène de Laurel Canyon) après tout et tant qu’à rester en famille ses sœurs Lucy et Martha sont là, sa tante Anna McGarrigle aussi. Mais ce n’est pas vraiment un album familial pour autant, il y a (...)

  • Clara Engel – Sanguinaria

    Oui, Clara Engel nous revient déjà. Mais c’est surtout parce qu’il nous avait fallu du temps pour faire le tour de Their Invisible Hands. On connait maintenant l’univers de l’artiste canadienne et on se sent tout de suite chez nous. Eloge de la lenteur, du recueillement, il pousse à la contemplation et à reprendre le contrôle du temps. Donc il faut aussi la bonne disposition. Tout comme on n’entre pas (...)

  • Feist - Multitudes

    On n’a qu’une chance de faire une première bonne impression. C’est via un album soyeux qu’on écoute encore beaucoup 20 ans après qu’on a fait connaissance du talent tellement attachant de Leslie Feist et on n’a jamais décroché parce qu’elle ne nous a jamais déçus non plus.
    On n’a qu’une chance de faire une première bonne impression. Et c’est avec le délicieusement psychédélique In Lightning qu’elle revient (...)

  • boygenius – The Record

    Sororité est sans doute le premier mot qui vient en tête à l’évocation de boygenius. Depuis ce live de KEXP où elles sont accueillies par Sheryl Waters, on a fondu pour cet incroyable trio. A priori, leur seul EP de 2018 n’appelait pas de suite mais comme c’est visiblement l’envie seule qui les guide ici, elles ont voulu prolonger l’expérience. Il faut dire que la démarche n’était pas celle d’un (...)