Accueil > Critiques > 2012

Dan San - Domino

lundi 30 janvier 2012, par marc

La loi de l’évolution


Les archives de ce site me rappellent que j’avais assisté à une prestation de Dan San qui ne m’avait pas vraiment convaincu, c’était en première partie de Beirut. Et puis dans le cadre du marathon organisé par le label Jaune Orange, la révélation était venue, confirmée par un premier EP vraiment prometteur (un peu sous-coté par mes soins sans doute), avec en tête de gondole un Pillow entêtant. Dans ce contexte, la sortie du premier album était fort attendue. On notera d’ailleurs qu’ils sont repartis d’une feuille blanche, aucun des morceaux de cet EP ne figure ici, même sous une forme réenregistrée

Dans les musiques qui comptent sur une énergie juvénile, la maturité peut être perçue comme un affadissement, comme un tribut payé au temps qui use. Mais dans le cas qui nous occupe, on ne peut la voir que comme un enrichissement. D’emblée, le violon nous cueille, et on comprend que le groupe a bien évolué. Moon est ample, mais résiste à la tentation de l’hymne beuglé, sous-genre largement exploité (avec talent souvent). Ils seront présents, toujours dans un rôle de support qui fait mouche comme sur Tomorrow (qui se paye le luxe d’ajouter les cuivres), mais jamais en riffs directeurs.

Ce premier album est donc ce qu’ils ont fait de plus luxuriant, finalement plus proche d’un Leisure Society que des écorchés vifs qui sentent bon la cabane au fond des bois. Quand l’excellent site listen2fight existait encore, je les avais opposé à Midlake, mon coup de cœur de l’époque. The end Of The Day Part II (la première est sur l’EP) lorgne carrément du côté de ces fantastiques Américains. Du moins, on en retrouve la même force tranquille. Et c’est surtout sur ce morceau-là que la guitare est la plus présente et que l’évolution est la plus flagrante.

Leur habitude de monter dans la seconde partie des morceaux est toujours là (Reality). Ils ne recherchent pas la remontée lancinante, le spectaculaire, mais l’intensité, la variation (So Many Yards). Cette intensité d’ailleurs, il faudra aller la chercher au bout de quelques écoutes, laisser l’aspect léché de côté pour que les variations soient plus manifestes, que les entrelacs apparaissent plus limpides. De plus, si certains morceaux semblent manque d’enjeu de prime abord (Sleeper, The Shades), c’est précisément cette seconde partie qui sauve la mise. D’autres s’en passent très bien, comme Question Marks qui a pertinemment été choisi comme premier single. A l’opposé, je me suis surpris à repenser aux exercices en apesanteur de DM Stith quand les Liégeois se font plus légers et éthérés sur Leaves.

Certains membres sont impliqués dans d’autres projets (les très bons Pale Grey par exemple), ce qui explique à la fois le temps pris à l’élaboration de ce premier album et une certaine originalité dans le son, sans doute un peu trop appliquée de manière uniforme. Mais leur modèle (enfin j’imagine, je ne leur ai pas demandé) Midlake a montré qu’on pouvait étaler un même schéma sur un album et gagner à tous les coups. Jusqu’où s’arrêtera Dan San ? La question mérite d’être posée, tant l’évolution est palpable entre leurs productions. Un des groupes folk intéressants du moment vient de Liège, la mondialisation a des effets secondaires irrésistibles parfois. Cet album soyeux constitue déjà un de mes bons moments de l’année qui commence, et une promesse de lendemains qui chantent (à l’unisson).

Mmarsupilami s’emballe ici
http://www.dansan.be/
http://www.myspace.com/dansanmusic

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

3 Messages

  • The Golden Son - I am Who am I

    On l’a dit, on connait remarquablement peu d’artistes pour les plus de 2000 critiques écrites ici. Pourtant quelques camaraderies virtuelles ont pu se développer. A force de commenter les albums de The Imaginary Suitcase, j’ai même eu droit à une écoute préliminaire de cet album. Ceci est juste une petite mise au point au cas où vous viendrez fort légitimement douter de mon objectivité en la (…)

  • Clemix – Endorphine

    Noyé dans un flot continu de sorties et d’envois, on a sans doute du mal à évaluer l’effort insensé requis pour sortir un album. Si on a attendu entre les EP et cette collection plus complète qui sort chez La Couveuse, le temps a fait son œuvre et visiblement poli le propos de la Belge Clemix. Ce qui marchait par surgissements s’est mué en style, avec un album paradoxalement plus constant que (…)

  • Auguste Lécrivain - Miranda

    On avait parlé d’un premier album sensible du jeune artiste belge Auguste Lécrivain. Si vous avez écouté (c’est bien), sachez que l’évolution est manifeste. Exit la chanson française ‘canal historique’, exit les tentations bossa, voici le temps d’un groove plus en phase avec son époque. Plus qu’un ravalement de façade, on peut parler de reconstruction, mais avec les matériaux d’origine. Un (…)

  • Asia – Le Temps d’Aller Mieux (EP)

    A l’époque d’un premier album aux teintes folk en anglais qui nous avait beaucoup plu, quelques morceaux sortis discrètement (ou pas officiellement) avaient ouvert la voie vers la langue maternelle de la jeune Bruxelloise. On en avait brièvement parléd’ailleurs, manifestant une curiosité certaine. Le résultat est maintenant là, et on peut déjà dire qu’il plait aussi.
    Comme souvent, le (…)

  • Bright Eyes - Five Dices All Threes

    Conor Oberst a aquis très tôt un statut culte, le genre dont il est compliqué de se dépêtrer. Lui qui se surprend ici à avoir vécu jusque 45 ans (il y est presque...) nous gratifie avec ses compagnons de route Mike Mogis et Nate Walcott d’un album qui suinte l’envie.
    Cette envie se retrouve notamment dans la mélodie très dylanienne d’El Capitan. On peut retrouver quelques préoccupations du (…)

  • Fink – Beauty In Your Wake

    Un écueil fréquent auquel se frottent les artistes à forte personnalité est la répétition. Quand on a un son bien défini, un univers particulier, les variations sont parfois trop subtiles pour être remarquées ou remarquables. Si vous avez écouté deux albums de Stereolab vous savez de quoi on veut parler. Si on identifie un morceau de Fink assez vite, il y a malgré tout suffisamment d’amplitude (…)

  • My Name Is Nobody - Merci Cheval

    La veille musicale est un engagement à temps plein. Une fois qu’on a aimé un.e artiste, il semble logique de suivre sa carrière. Pourtant il y a trop souvent des discontinuités. Mais il y a aussi des possibilités de se rattraper. La présence de Vincent Dupas au sein de Binidu dont l’intrigant album nous avait enchantés en était une. On apprend donc qu’il y avait eu un album en mars et (…)

  • The Decemberists – As It Ever Was So It Will Be Again

    Il y a quelque chose de frappant à voir des formations planter de très bons albums des décennies après leur pic de popularité. Six ans après I’ll Be Your Girl, celui-ci n’élude aucune des composantes de The Decemberists alors que par le passé ils semblaient privilégier une de leurs inclinations par album.
    On commence par un côté pop immédiat au très haut contenu mélodique. On a ça sur le (…)