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Séance de rattrapage n°12 - Cadeaux

samedi 24 décembre 2011, par Laurent


Bon ben on y est là : l’année 2011 touche vraiment à sa fin et ça va très prochainement être l’heure des bilans, presque une fin en soi quand on a envie de se nettoyer la tête et de ne retenir, en vue d’un plus lointain avenir, que ce qui aura été digne des plus vives attentions. On revient donc en vitesse sur dix albums où chaque chanson est un cadeau : bandes originales écrites pour les films des autres, disques de reprises et albums de Noël sont au programme de cette ultime séance de rattrapage, histoire de boucler la boucle (de la guirlande). À ne pas ouvrir avant minuit, bien entendu...


Birdy – Birdy

Jasmine Van den Bogaerde, 15 ans, c’est l’ado que tous les quadras fans d’indé rêveraient d’avoir pour fille. Révélée par un concours briton à l’aube du secondaire, elle signe ici une seule compo personnelle, l’élégante Without a Word, qu’on peut conseiller à tous ceux qui n’en peuvent plus du Someone Like You d’Adele. Le reste de l’album est farci de reprises essentiellement piano-voix choisies chez Bon Iver, The XX, les Fleet Foxes ou encore The National. Bref, tout le gotha indie rock subit le traitement édulcoré de la gamine, qui ne parvient pas moins à habiter chaque interprétation d’une intensité soufflante. Reprenant aussi les moins hype Cherry Ghost (People Help the People) ou Postal Service (The District Sleeps Alone Tonight), elle démontre ici un talent et une maturité qui n’attendent qu’à éclater.


Peter Broderick – Music for Confluence

Et soudain, la claque ultime. Peter Broderick nous avait habitués à produire de la belle ouvrage, on en parlait encore cette année avec Rauelsson. Mais là, sur une œuvre de commande pour accompagner un documentaire criminel qu’on imagine déjà sublime, il se surpasse au même titre qu’un Johann Johannsson embrassant la destinée minière. Dominées par le piano et le violon, ces treize compositions aux durées variant de 2 à 7 minutes se font tour à tour contemplatives (It Wasn’t a Deer Skull), menaçantes (The Person of Interest) ou d’une tristesse bouleversante (We Enjoyed Life Together)... voire un peu tout ça à la fois (He Was Inside That Building). Évidemment, ça sort en toute discrétion chez Erased Tapes, label coutumier de l’excellence (Nils Frahm ou Ólafur Arnalds). Splendide.


Kate Bush – 50 Words for Snow

À la citer toutes les cinq critiques, à glorifier ses nombreux épigones, il fallait bien qu’un jour ou l’autre on parle de l’originale. Et voilà que Kate Bush fait son grand retour avec ce disque hivernal, un concept-album composé de sept plages qui durent en moyenne 9 minutes. Attendez, revenez ! Le génie de la druidesse anglaise, dont la voix a autant vieilli que le corps mais reste d’une pureté nivale, se révèle par flocons tout au long du voyage. On est en présence d’une de ces œuvres totales qui resserrent les liens entre l’homme et la nature, plus proche en vérité de nymphes absolues telles que Meredith Monk ou Luzmila Carpio que des innombrables chanteuses qui pillent son héritage pop. Monochrome mais lumineux, “50 Words...” rappelle pourquoi Bush est si influente. On vérifie la statistique dans cinq critiques.


Calexico – Selections from Road Atlas

Calexico, groupe qu’on a découvert sur le tard mais avec bonheur, a manifestement publié huit cd’s exclusivement vendus en tournée. L’ensemble est aujourd’hui réédité et fait l’objet d’une compilation de ses meilleurs extraits, où l’on retrouve une majorité d’inédits studio fidèles à cette alt-country volontiers aérienne (Griptape), sans oublier les pièces instrumentales d’obédience mariachi (El Morro) et les traditionnels interludes (Boletos). À l’occasion, le combo de Joey Burns et John Convertino offre aussi de purs moments de rock’n’roll (Lost in Space, dans une version live psychédélique, l’explosive Man Made Lake enregistrée à l’AB) et des ballades vibrant d’une poésie farouche (Gift X-Change, Ghostwriter). Pas la porte d’entrée idéale à leur musique, mais une compilation fort recommandable malgré tout.


Bertrand Cantat (avec Bernard Falaise, Pascal Humbert, Alexander MacSween) – Choeurs

Invité à mener le chœur sur trois adaptations scéniques de Sophocle – une trilogie tragique rassemblée sur le thème Des Femmes et mise en scène par Wajdi MouawadBertrand Cantat ne trahit pas pour autant ses amours primitives. Entre mélopées désespérées (Les Mouillages) et fulminations passionnelles (Bury Me Now), la violence cathartique du théâtre grec a tout à voir avec l’énergie rock dont Cantat incarne à l’évidence un des plus profonds anges déchus. Retrouvant ce chant de gorge, façon didgeridoo humain, avec lequel il hypnotisait son public à l’entame des concerts de Noir Désir (Rien N’est Plus Redoutable Que l’Homme), le chanteur purge ses humeurs comme un loup hurlant à la lune, osant l’a cappella sur un terrifiant Révélations de l’Oracle. Un choix de carrière d’une logique limpide.


Emmy the Great & Tim Wheeler – This Is Christmas

Carnet people. Vous savez tout le bien qu’on pense d’Emmy the Great, songwriteuse ultra (af)futée qui nous a servis un superbe deuxième album cette année. Eh bien figurez-vous qu’elle est maquée avec le chanteur du groupe Ash (ah, souvenirs...). Bon. Du coup, les tourtereaux ont trouvé malin de sortir un disque de Noël entièrement écrit par leurs soins. Tous les clichés étant libres de droits (le son des cloches sur le traîneau, l’air de Douce Nuit,...), ils sont réunis sur ce disque court mais, loi du genre oblige, plutôt anecdotique. Cela dit, il est plutôt amusant d’entendre un album hivernal baigner dans une telle ambiance de plage (Christmas Day I Wish I Was Surfing), aux penchants power-pop affirmés (Zombie Christmas ou Jesus the Reindeer, déjà ces titres !). Vite rangé, mais on le ressortira l’an prochain.


Ben Frost & Daniel Bjarnason – Solaris

La musique de Ben Frost, bidouilleur australien réfugié en Islande, a toujours été associée à des images fortes, choc, oppressantes... du moins dans notre imagination. Or le voilà qui se lance de son plein gré dans l’exercice de la bande-son – pour le “Solaris” originel d’Andreï Tarkovski – en compagnie du compositeur Daniel Bjarnason et de l’orchestre Sinfonietta de Cracovie. Le résultat, à mille lieues de ses deux précédents albums, est une merveille d’ambient symphonique, forcément spatiale, qui s’écoute sans doute mieux les yeux fermés que devant le film qui l’a inspirée. C’est ainsi qu’on préfère la musique atmosphérique, presque à nu, débarrassée de tous les vains oripeaux qui voudraient la surcharger – ce que les orchestrations ne viennent jamais contredire. Paradoxal mais vrai.


Emilie Simon – Franky Knight

“Franky Knight” pour François Chevalier, le compagnon qu’elle a perdu face à la faucheuse. C’est aussi le compagnon musical du film “La Délicatesse”, proche de sa propre histoire. Inutile de dire que l’émotion est palpable sur cet album, tiraillé entre un français impudique (Jetaimejetaimejetaime) et un anglais largement préféré depuis le précédent “Big Machine”. Le ton n’est pas dépressif (le doo-wop très frais d’I Call It Love, l’électro-disco de Franky’s Princess,...), Emilie Simon jouant surtout de ses talents d’arrangeuse (des cuivres très présents) et d’une voix acrobatique plus que jamais proche de Kate Bush (Something More). Toutefois certains mots prennent ici une résonance bouleversante : « Dieu me pardonne, sans croire en lui je prie pour l’homme qui m’aimait tant et que j’aimerai toute ma vie, mon chevalier. »


Smith & Burrows – Funny Looking Angels

Et si nous, on sortait un album de Noël qui a de la gueule ? se sont dit le chanteur des Editors et le leader d’I Am Arrows... Un disque avec une vie au-delà du sapin, voire de l’hiver. On y retrouve ainsi l’intensité du groupe du premier, dont le chant n’a jamais été plus à propos, et la fraîcheur du projet du second, très à l’aise sur les ballades plus sucrées. Au programme, des reprises étonnantes comme celle de l’inusable Wonderful Life – une évidence au son des cordes vocales de Smith – ou la relecture d’un tube de Yazoo (Only You). Tout est admirablement emballé, à la fois kitsch mais pas exempt de crédibilité rock, ce à quoi contribuent quatre compositions originales dans l’esprit « dépressif pour les stades » des Editors, ainsi qu’une apparition intrigante d’Agnes Obel. Dans sa catégorie, proprement imbattable.


Amy Winehouse – Lioness : Hidden Treasures

Le coup de l’album posthume, ça c’est fait. En même temps, “Back to Black” était vieux de cinq ans lorsqu’Amy Winehouse a cassé sa choucroute, ce qui légitimait largement la demande du public. La frustration reste tout de même de mise dès lors qu’on comprend qu’une minorité des enregistrements présentement compilés auraient pu figurer sur le troisième album de la chanteuse. Parmi ceux-ci, un duo réussi avec le rappeur Nas (Little Smoke), une relecture reggae du standard Our Day Will Come et, pour le reste, une orientation doo-wop sans surprise (Between the Cheats). Des reprises du rafraîchissant The Girl from Ipanema ou de Will You Still Love Me Tomorrow ?, arrangé comme un thème de James Bond, rappellent en tout cas la trace indélébile que son organe laissera dans la soul contemporaine.


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