Accueil > Critiques > 2014

Owen Pallett - In Conflict

vendredi 27 juin 2014, par marc


Qu’on apprécie ou pas Owen Pallett, ses albums et ses collaborations, je n’ai jamais entendu qui que ce soit remettre en cause l’existence de son talent. Ce talent est un bon point de départ pour être un artiste pertinent, certes, mais on ne l’a jamais vu gaspiller ses capacités non plus. A 34 ans, cet inconnu célèbre publie son second album sous son nom propre, ses premiers exercices solo étant sortis sous le nom un peu trop compliqué à distinguer de Final Fantasy. Ce disque a d’ailleurs été reporté, notamment pour cause de tournée générale avec Arcade Fire et de bande originale pour le film Her de Spike Jonze (raflant une nomination aux Oscars en chemin).

Les gens de talent oublient parfois un peu que l’auditeur n’évolue pas dans les mêmes sphères. J’aime à penser que ce n’est pas de l’élitisme mal placé de sa part. Il n’en reste pas moins qu’on n’entre pas toujours facilement dans un album d’Owen Pallett même s’il a laissé la porte plus grand’ouverte cette fois-ci.

On sait qu’il ne se compare qu’à lui-même mais on peut lui trouver quelques artistes avec qui partager sa singularité (Andrew Bird, Patrick Wolf) et la pratique du violon. Ce sont tous de remarquables vocalistes, ce qui est toujours plus manifeste en concert que sur album. Owen est comme eux et quand sa voix a plus d’espace (sur Song for Five and Six par exemple), elle en profite pour monter.

Le violon est bien entendu très présent, mais peut rester étonnamment allusif et soutenir la voix de façon rien moins que formidable comme sur la plage titulaire qui est un morceau bien singulier avec cette lancinante et distendue ligne de synthé. Ou alors se cantonner à de petites touches sur Songs For Five and Six qui montre qu’il n’a pas peur d’incorporer des éléments électroniques de façon décomplexée et ludique. On a Path semble comme souvent annoncer un film de Disney dont la sorcière serait la vraie héroïne. Et il laisse plus volontiers ses morceaux prendre l’air et s’ébrouer (Infernal Fantasy).

De toute façon, avant même d’écouter l’album, on sait qu’on trouvera au moins un morceau énorme, comme toujours. Et puis vient la secousse de Riverbed, déjà connu mais toujours impressionnant. Mal dosé, ce mélange très dense et compact pourrait être crispant, mais correctement assaisonné, c’est d’une force et d’une densité peu communes. Rappelez-vous quand même que ce garçon a arrangé un des meilleurs morceaux de tous les temps. La fin d’album est d’ailleurs remarquablement dense. Après un ventre mou, il repart à l’attaque avec The Sky Behind The Flag, morceau qu’on ne voit pas venir avant qu’il ne saute à la face. Quelques morceaux sont peut-être en pilotage automatique (The Secret Seven, Soldiers Rock). On se souvient aussi pourquoi on a aimé la sensibilité narquoise de Neil Hannon (The Passions) quand il se laisse aller au spleen sur The Passions

Finalement, après tant de temps et d’attente, cet album d’Owen Pallett est tout à fait conforme à nos espoirs. Pas plus parce que l’attente est quand même là et on l’a placé il y a neuf ans sur un piédestal qu’il n’a pas l’air de vouloir quitter. Pas moins non plus parce qu’il semble incapable de produire un album médiocre et que maintenir son niveau et rester unique est un challenge de tous les instants.

http://www.owenpalletteternal.com/

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • The Smile - Cutouts

    The Smile a décidé de se conformer à son propre agenda créatif et donner un successeur à Wall of Eyesmoins de neuf mois après sa sortie. Cette faconde nouvelle donne un nouveau regard sur le groupe. Au lieu d’une attente fiévreuse pendant de longues années pour un album poli et re-poli, on a accès à leur créativité de façon plus directe et on peut dire que c’est une bonne chose. Signalons tout (…)

  • Efterklang - Things We Have In Common

    La musique d’Efterklang était autrefois un peu heurtée, libre, et nous a valu des albums incroyables comme Magic Chairs. Puis ils ont évolué vers un style plus fluide tout en gardant de l’ampleur (sur Altid Sammen) avant de rentrer un tout petit peu dans le rang le temps de Windflowers.
    Si leur inclination actuelle est plus lisse, plus policée et aérienne, n’étant pas toujours éloignée dans (…)

  • Don Aman - Open

    Les découvertes fonctionnent souvent par paquets. On vous avait parlé de Geoffroy Pacot pour le projet Bélier Mérinos et le voici en tant que membre de ce trio. Les deux autres étant Arthur et Francis Llaneza. Don, Aman est un morceau issu du légendaire premier album de Slint et ce n’est absolument pas fortuit (on a demandé). Ces précurseurs avaient en effet exploré des voies qui sont (…)

  • Mr Diagonal - Join the Dots

    Si le Bruxellois d’origine écossaise Dan Barbenel a décidé d’officier sous le nom de Mr Diagonal plutôt que Mr Lignedroite, c’est sans doute parce qu’il sait que son écriture a tendance à prendre la tangente, ce qui nous avait déjà plu. Pour augmenter la confusion, ces enregistrements de morceaux composés depuis 2018 est présenté comme un accompagnement de son one-man-show qui sera présenté à (…)

  • Sunset Rubdown - Always Happy To Explode

    On a constaté récemment que le talent de Spencer Krug s’exprime le mieux dans deux pôles opposés. Le premier est plus sobre, en piano-voix souvent et dégage une émotion certaine. L’autre est plus épique et peut prendre des formes diverses, plus électriques et incandescentes avec Dan Boeckner au sein de Wolf Parade, plus synthétique quand Moonface rencontre les Finnois de Siinai. Ou alors plus (…)

  • Spencer Krug – 20202021 Solo Piano

    Il y a sans doute une schizophrénie musicale chez Spencer Krug, et sa créativité peut prendre tellement de formes qu’on n’est jamais à l’abri d’une surprise. Donc, pendant les sessions de répétition de Wolf Parade, il a en un jour réenregistré en version piano-voix ls morceaux de son album [Twenty Twenty Twenty One]->2609] qui venait de sortir. Cette sortie qui précède de peu le retour de (…)

  • Islands – What Occurs

    Kate Nash, Menomena, The Decemberists et maintenant Islands avant bientôt Bright Eyes, il faut se pincer pour ne pas se sentir quinze and en arrière. Mais bon, comme ce sont de bons souvenirs et que tout le monde est dans une forme créative manifeste, on ne va pas bouder son plaisir.
    Dans le cas du groupe Canadien, ce n’est pas exactement un retour vu qu’ils sont dans une période plutôt (…)

  • Boeckner – Boeckner !

    Les carrières de Spencer Krug et Dan Boeckner n’en finissent plus de se croiser. Ainsi, après Wolf Parade (leur groupe commun), Handsome Furs, Divine Fits et Operators, le voici qui utilise également son nom pour la suite de sa carrière (solo). On a beau retrouver un univers musical très familier, ceci n’est pas exactement identique à ce qu’on lui connait déjà.
    Il faut dire aussi que si (…)